Brève 2016 – Un anniversaire inoubliable
Lucie (nom d’emprunt) arrive en France accompagnée de ses deux parents. Elle a trois ans. Contrôlée dans une aérogare de Roissy, la famille fait l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire, assortie d’une décision de maintien en zone d’attente. Lucie et ses deux parents sont donc enfermés dans la zone d’attente attenante à l’aéroport (la ZAPI 3).
Puisqu’elle est accompagnée de ses parents, Lucie est placée avec eux dans la partie réservée aux majeurs. Elle va y passer 19 jours, 19 jours enfermée, dans un lieu complètement inadapté aux mineurs, et particulièrement celles et ceux de l’âge de Lucie.
Certes, l’administration fournit « royalement » un lit adapté à la taille de Lucie. Mais celle-ci, stressée par une atmosphère angoissante, refuse de dormir seule et préfère passer la nuit dans les bras de son père. Même s’il n’y a pas de place pour deux, sur ce petit matelas, conçu pour n’accueillir qu’une seule personne.
Certes, il existe dans la zone d’attente une salle dans laquelle Lucie pourrait trouver quelques puzzles incomplets, et peut-être un cahier et quelques stylos, pour griffonner un ou deux dessins. Mais cette salle n’est que trop rarement ouverte et surtout, elle n’est pas suffisamment chauffée.
Certes, elle pourrait sortir s’aérer. La ZAPI 3 dispose en effet d’une aire extérieure. Grillagée, entourée de fils barbelés, vidéo-surveillée, mais qui reste un coin de verdure, avec sa pelouse élimée. Il est vrai que le petit bout de pelouse est dépourvu d’abris, et qu’en novembre, il pleut, souvent. Et puis, il faut avouer que si les avions, ça fait rêver, les voir passer en rang d’oignons à quelques mètres, ce n’est pas ce qu’il y a de plus agréable. Si vous ajoutez à cela le bruit (des moteurs) et l’odeur (du kérosène), on peut comprendre que Lucie n’ait pas eu envie d’y passer ses journées.
Certes, elle peut toujours se dépenser et courir dans les couloirs de la ZAPI ; et puis, c’est rassurant pour ses parents : elle sera sous bonne garde : les couloirs y sont en effet truffés de caméra de vidéosurveillance et des policiers de la police aux frontières (PAF), en uniforme, y circulent ou stationnent régulièrement : avec de « telles nounous », rien ne pourra lui arriver.
Lucie avait trois ans en arrivant en France. Elle a fêté son quatrième anniversaire dans la zone d’attente de Roissy. Personne ne lui a apporté de gâteau, elle n’a pas soufflé de bougies et elle n’a pu inviter personne. Le seul « cadeau » qu’elle a reçu, c’est une ordonnance de rejet du recours devant le Tribunal administratif qu’elle et ses parents ont déposé pour demander au juge de les faire sortir de la zone d’attente. Autrement dit, ce dernier n’a même pas jugé bon de la voir, d’entendre ce qu’elle et ses parents avait à dire.
Le 12 juillet 2016, un énième arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme condamnait la France parce que les autorités continuent de priver de liberté des enfants. La Cour européenne considère en effet que la privation de liberté d’un mineur doit rester exceptionnelle, se dérouler dans une structure disposant de matériel adapté et être la plus courte possible. Mais l’histoire se passe loin de Strasbourg où siège la Cour européenne, en Seine-Saint-Denis, où siège le Tribunal administratif.
L’information passe donc difficilement.
Et, une fois encore, le juge administratif, la police aux frontières de Roissy et le ministère de l’intérieur montrent à nouveau à quel point ils se soucient peu de respecter les droits des enfants, les droits humains et le droit européen et international.
Vincent, Intervenant Anafé, 2016
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