Brève 2015 – Vous avez dit France signataire de la convention internationale des droits de l’enfant ?
Orphelins et voulant échapper à une secte en Sierra-Leone, Ousmane, 15 ans, et sa sœur Maria, 12 ans, ont suivi un « pasteur » en qui ils ont placé toute leur confiance. Ce « pasteur » s’est montré comme une porte de sortie, et a organisé leur voyage vers l’Europe, continent promis pour une vie meilleure. Dans cette perspective, ils ont accepté de prendre l’avion.
Arrivés à l’aéroport Roissy-CDG, le « pasteur » a expliqué à Ousmane qu’il devait aller chercher les « tickets » pour la France avec sa petite sœur, emportant avec lui tous leurs documents et affaires. Ousmane est donc resté seul dans l’aérogare de l’aéroport en attendant le retour de sa sœur et du « pasteur ». Plus de deux jours se sont écoulés. Inquiet et épuisé, Ousmane a fait un malaise. Sans aucun document de voyage ou d’identité, il a été conduit à la police aux frontières (PAF).
Interrogé par la PAF sur son histoire, Ousmane n’a cessé de solliciter de l’aide pour sa petite sœur disparue. En vain. Après la notification de son refus d’entrée sur le territoire français, Ousmane a été placé en zone d’attente de Roissy dans la zone réservée aux mineurs. Les mineurs n’ayant en droit français aucune capacité juridique, une administratrice ad hoc (AAH) a été désignée. Cette personne, missionnée par une association, intervient en tant que représentant légal du jeune pendant la durée du maintien et prend toutes les décisions nécessaires au regard de l’intérêt de l’enfant.
En zone d’attente, Ousmane a continué à vouloir porter plainte pour l’enlèvement de sa sœur. Toujours en vain.
Le lendemain de son arrivée, son administratrice a été dessaisie et le jeune Ousmane conduit dans la zone d’attente pour les majeurs. La raison ? La PAF a affirmé avoir retrouvé sa véritable identité : il n’a pas 15 ans mais 28 ans. La photocopie d’un passeport envoyée par une compagnie aérienne d’Amérique du Sud dans un courriel en est la preuve. C’est alors la parole d’un ado en détresse contre une photocopie.
Vous avez dit : France signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant qui stipule que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. » (Article 3) ?
Son administratrice, décontenancée, a tenu à l’accompagner chambre 38 où l’Anafé tient sa permanence.
Alertés par cette situation, les bénévoles et les salariées de l’Anafé ont usé de tous les moyens juridiques possibles : saisine du parquet des mineurs et du juge des enfants, avertissement du Défenseur des droits ainsi que du Contrôleur général des lieux de privation et de libertés et rédaction d’un signalement à l’attention du juge des libertés et de la détention (JLD) en vue de son audience prévue le 20 avril (le maintien en zone d’attente au-delà des 96 heures ne peut être autorisé que par un juge).
Le Parquet a répondu qu’une enquête avait été diligentée par la PAF pour pouvoir retrouver sa petite sœur suite à la plainte finalement déposée en zone d’attente. Le JLD a suspendu sa décision, demandant qu’un test osseux soit pratiqué. La pratique du test osseux est très critiquée par les associations, la manière dont il est effectué n’est pas fiable et ses résultats par conséquent sont incertains. Mais dans ce cas, il a permis d’évaluer qu’Ousmane était réellement mineur. Le JLD a donc libéré ce jeune homme, et ordonné une prise en charge sur le territoire, un soulagement pour Ousmane.
Soulagement de courte durée car quelques heures plus tard, l’administration fait appel de la décision du JLD. Autrement-dit, l’administration française a refusé d’admettre ce jugement qui offre une chance à ce jeune d’être pris en charge et protégé, scolarisé et surtout non renvoyé vers un pays dans lequel il est en danger.
L’Anafé et l’administratrice ad hoc se sont mobilisées et ont assisté à l’audience devant la Cour d’appel. L’avocat, membre de l’Anafé, qui a accepté de plaider pour défendre le jeune ce jour-là, a rappelé que le jeune, et sa petite sœur – dont on n’a aujourd’hui toujours aucune trace – ont sans doute été les victimes de réseaux de passeurs.
Comme l’a plaidé l’avocat « nous devons lutter contre les réseaux et mener une politique protectrice et ne pas se baser uniquement sur une politique migratoire sans sens ».
La Cour d’appel a confirmé la décision du JLD qui permettait sa libération et sa mise sous protection. Ousmane est aujourd’hui placé à l’aide sociale à l’enfance mais l’enquête concernant sa petite sœur n’a toujours rien donné.
Pour un pays qui a ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant il y a plus de 25 ans, l’intérêt de l’enfant n’a été que tardivement pris en considération, provoquant par conséquent un traumatisme fort pour Ousmane et la perte de toute trace de Maria.
Barbara, Intervenante Anafé, 2015
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