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Procès de Martine Landry : le parquet requiert la relaxe - La décision sera rendue le 13 juillet 2018 [Communiqué de presse AIF/Anafé]

mercredi 30 mai 2018

Le tribunal correctionnel de Nice a mis son jugement en délibéré dans l’affaire des poursuites engagées à l’encontre de Martine Landry, pour ‘délit de solidarité’. Suite à l’audience qui s’est tenue aujourd’hui, le parquet a requis la relaxe de Martine. La décision sera rendue le 13 juillet 2018.

Amnesty International France (AIF) et l’Anafé (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers) réitèrent leur soutien à leur militante.

« Cette décision est très attendue à l’heure où nous sommes régulièrement alertés par des citoyens et des organisations sur les entraves que les autorités françaises mettent à leurs actions d’aide humanitaire et de défense de droits des personnes migrantes et réfugiées. De Calais, de Briançon ou de Gap - où trois personnes seront jugées demain pour « aide à l’entrée irrégulière » - certains témoignent d’entreprises délibérées de dissuasion mises en place par l’Etat français pour freiner ou leur faire abandonner leurs actions », souligne Laure Palun, Coordinatrice associative de l’Anafé.

« Même avec les modifications apportées par l’Assemblée nationale à l’occasion de l’examen du projet de loi ‘asile- immigration’ la législation française souffre d’imperfections et le ‘délit de solidarité’ subsiste. Des poursuites injustes comme celles qui visent Martine Landry continueront d’être possibles si la loi est adoptée en ces termes  », déclare Jean-François Dubost, Responsable du programme Protection des populations d’AIF.

Pourtant, le protocole de Palerme, ratifié en 2002 par la France, exclut que des actions pénales soient engagées à l’encontre de personnes ou d’organismes qui apportent une aide à des migrants en situation irrégulière, sans rechercher aucun avantage financier ni matériel, qu’il s’agisse de l’entrée ou du séjour de personnes sur le territoire d’un Etat. Ce protocole, par l’effet de la Constitution française, a une autorité supérieure à la loi.

«  La France doit se conformer à ses engagements et s’aligner sur le droit international en cessant de criminaliser l’action de personnes ou d’associations qui viennent en aide à des personnes migrantes ou réfugiées, dès lors que cette aide ne donne lieu à aucun avantage financier ou matériel  », rappelle Jean-François Dubost.

« L’examen par le Sénat du projet de loi doit être l’occasion de supprimer le ‘délit de solidarité’ afin de rendre impossible les poursuites pénales à l’encontre de personnes dont l’aide à l’entrée ou au séjour n’a été motivée que par un élan d’humanité », précise Laure Palun.

Dans l’attente de ce jugement, les deux organisations demandent aux autorités de mettre un terme à toutes les poursuites judiciaires relevant de cette situation. AIF et l’Anafé seront présentes aux côtés de Martine le 13 juillet à Nice.

INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES

Martine Landry est membre d’Amnesty International depuis 2002. Elle est la référente régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur sur la question des réfugiés et migrants depuis 2011 et est chargée d’une mission d’observation en zone d’attente pour AIF. En parallèle, elle conseille les demandeurs d’asile et les accompagne dans l’accès à leurs droits, missions pour lesquelles elle a bénéficié de plusieurs formations. Martine Landry travaille avec l’Anafé depuis 2011 et en est membre depuis 2017. Dans ce cadre, elle participe activement à la mission d’observation à la frontière franco-italienne.
Il lui est reproché d’avoir « facilité l’entrée de deux mineurs étrangers en situation irrégulière ». Elle risque jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.

Résumé des faits
Le 28 juillet 2017, la police italienne a renvoyé, à pied, deux mineurs isolés étrangers vers la France.

Martine Landry les a « récupérés » du côté français de la frontière Menton/Vintimille, au panneau "France" plus exactement, pour les accompagner à la police aux frontières (PAF), munie des documents attestant de leur demande de prise en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE). Les deux mineurs, tous deux âgés de 15 ans et d’origine guinéenne, ont par la suite été pris en charge par l’ASE.
Le 31 juillet, Martine Landry s’est rendue à la PAF de Menton suite à l’interpellation et au transfert de onze migrants. Ce jour-là, elle se voit remettre une convocation pour une audition le 2 août. Le lendemain, Martine Landry reçoit une convocation du tribunal correctionnel de Nice. Elle devait être jugée le 8 janvier pour « avoir facilité l’entrée de deux mineurs étrangers en situation irrégulière […], en ayant pris en charge et convoyé pédestrement ces deux mineurs du poste frontière côté Italie au poste frontière côté France ». Son audience a été renvoyée à trois reprises : le 14 février, le 11 avril et enfin, le 30 mai 2018.

Droit international applicable
Le 29 octobre 2002, la France a ratifié le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, mer et air, additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée. Ce texte définit le trafic illicite de migrants comme « le fait d’assurer, afin d’en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel, l’entrée illégale dans un État [...] d’une personne qui n’est ni un ressortissant ni un résident permanent de cet État ». En posant la condition d’en retirer un avantage financier ou un autre avantage matériel, les auteurs de ce texte ont clairement voulu exclure les activités des personnes apportant une aide aux migrants pour des motifs humanitaires ou en raison de liens familiaux étroits. L’intention n’était pas, dans le Protocole, d’incriminer les activités de membres des familles ou de groupes de soutien tels que les organisations religieuses ou non gouvernementales. Cette intention est confirmée par les travaux préparatoires des négociations en vue de l’élaboration de la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée et des protocoles s’y rapportant (2008), p. 514 - (Office des Nations unies contre la drogue et le crime, Travaux préparatoires).

« Le délit de solidarité » dans le projet de loi asile et immigration
Lors de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi, la question du « délit de solidarité » été débattue alors même qu’il n’y avait rien dans le projet initial du gouvernement.
La mobilisation de la société civile a permis une prise de conscience des députés sur les situations auxquelles sont confrontées les personnes solidaires des migrants qui sont poursuivies.
Pourtant, la rédaction de l’amendement du gouvernement adopté par l’Assemblée n’apporte pas de modification suffisante par rapport à la situation actuelle. La liste des immunités et les conditions requises pour ne pas être poursuivi feront toujours courir un risque aux militants, citoyens et organisations qui agissent pour le respect des droits humains. Enfin, ces exceptions ne concernent que le séjour et la circulation et non l’entrée sur le territoire.
Ainsi, les actions des personnes, comme Martine Landry, qui viennent en aide à des personnes à la frontière, ne seront pas concernées.
Cependant, rien n’est encore acté car le projet de loi sera, à partir de juin, entre les mains des sénateurs. AIF et l’Anafé appellent donc les sénateurs à abroger le « délit de solidarité » afin de mettre un terme à toute poursuite judiciaire relevant de situations similaires.

Enquête d’Amnesty International à la frontière franco-italienne « Des contrôles aux frontières du droit  »

Note de l’Anafé sur le « rétablissement des contrôles aux frontières internes et état d’urgence - Conséquences en zone d’attente »