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Anafé - Politique de protection des enfants

mercredi 7 mars 2018

Depuis près de trente ans, l’Anafé agit en faveur des droits des personnes en difficulté aux frontières et en zone d’attente. L’Anafé porte une attention particulière aux populations plus vulnérables, telles que les demandeurs d’asile, les mineurs, les personnes malades, les victimes de violence ou de traite.

Le constat récurent de l’Anafé est que le contrôle des frontières l’emporte sur l’accueil et le respect des droits, en particulier de ces personnes plus vulnérables. L’Anafé lutte contre l’opacité des lieux privatifs de liberté que sont les zones d’attente et œuvre pour une modification positive des textes et des pratiques afin que les droits des personnes maintenues soient respectés et garantis.
Pour la réalisation de ses activités, l’Anafé respecte plusieurs principes fondamentaux :

  • la non-discrimination ;
  • l’indépendance (l’Anafé est une association non gouvernementale à but non lucratif. Elle n’est ni une administration, ni un opérateur, ni encore un prestataire de service public) ;
  • la confidentialité.


Missions et position de l’Anafé

Les missions de l’Anafé visent à agir en faveur des droits des étrangers, dont les mineurs, aux frontières françaises :

  • en tant que centre-ressources pour un soutien direct et indirect et en tant qu’observatoire (droit d’accès permanent en zone d’attente de Roissy, permanences juridiques, observation des audiences judiciaires et administratives, visites des zones d’attente, missions exploratoires dans les pays de renvoi, défense des migrants et demandeurs d’asile maintenus en zone d’attente, formations et élaboration d’outils à destination des professionnels, suivis des personnes refoulées hors des frontières françaises ou placées en garde à vue, contentieux) ;
  • à travers des activités d’analyse, de communication et sensibilisation et de plaidoyer (élaboration et diffusion de rapports d’observation, de documents d’analyse et d’information sur les questions liées à l’accès au territoire, travail inter associatif, sensibilisation de l’opinion publique et interventions auprès des autorités compétentes).

Toutes les observations et actions de terrain permettent à l’Anafé de récolter informations et témoignages et d’approfondir ses analyses des textes et des pratiques. Elle assure une mission de plaidoyer auprès des autorités compétentes (nationales, européennes et internationales) et de sensibilisation auprès de la société civile. Elle réalise également des formations et des outils (juridiques ou pratiques) à destination des professionnels. Enfin, elle est partie dans de nombreux contentieux de principe.

L’Anafé réaffirme régulièrement ses revendications principales à savoir la fin de l’enfermement des mineurs, la mise en place d’un recours suspensif pour tous les maintenus et un accès garanti à un juge, et la mise en place d’une permanence gratuite d’avocats dans toutes les zones d’attente.

Concernant plus particulièrement les mineurs, l’Anafé a pris une « résolution concernant les enfants isolés étrangers qui se présentent aux frontières françaises » [1] le 30 juin 2005 dans laquelle elle considère que :

  • Tout mineur isolé étranger se présentant seul aux frontières françaises doit être admis sur le territoire sans condition ;
  • Les enfants isolés ne doivent jamais faire l’objet ni d’un refus d’entrée sur le territoire ni d’un placement en zone d’attente ;
  • Du seul fait de son isolement, une situation de danger doit être présumée dès lors qu’un mineur isolé se présente à la frontière et les mesures légales de protection doivent être mises en œuvre ;
  • Tout étranger se déclarant mineur doit être présumé comme tel jusqu’à preuve du contraire et sa minorité ne devrait pouvoir être remise en cause que par une décision de justice ;
  • Le retour des mineurs isolés ne peut être envisagé, une fois qu’ils ont été admis sur le territoire, que dans les cas où la décision a été prise par un juge dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Cette position est fondée sur les prescriptions du droit international en la matière ainsi que sur l’analyse du droit français, qu’il s’agisse des dispositions spécifiques applicables aux mineurs comme des règles applicables aux étrangers.

Les observations de l’Anafé depuis près de 30 ans ont montré que la privation de liberté des mineurs en zones d’attente avait un impact négatif sur leur santé physique et psychologique. Les conditions de maintien portent régulièrement atteinte à leur santé, ils sont notamment victimes d’anxiété, d’insomnie, de trouble de l’alimentation… Ces observations ne concernent pas uniquement les mineurs isolés mais aussi les enfants qui accompagnent leurs parents. Ces derniers ressentent également souvent le stress de leurs parents, ce qui vient alimenter leurs propres angoisses [2].

Forte de ces constats, l’Anafé a décidé d’élargir cette position contre l’enfermement des enfants à TOUS les mineurs privés de liberté en zone d’attente qu’ils soient isolés ou accompagnés.

Depuis juin 2015, l’Anafé porte une attention particulière à la situation des personnes en difficulté à la frontière franco-italienne . Avec le rétablissement des contrôles aux frontières internes en novembre 2015, la situation des personnes se présentant à cette frontière et souhaitant se rendre en France depuis l’Italie s’est nettement détériorée, y compris pour les demandeurs d’asile et les mineurs qu’ils soient accompagnés ou isolés. La procédure appliquée par les autorités françaises ne respecte pas les principes fondamentaux de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant et chaque jour, leurs droits sont bafoués (pas de protection des mineurs isolés étrangers, refoulements systématiques de toute personne arrivant à cette frontière, y compris les demandeurs d’asile et les mineurs, privation de liberté sans cadre légal). L’Anafé a entamé un travail de contentieux et également de plaidoyer pour que cessent ces violations - travail qu’elle intensifiera dans les mois à venir ayant désormais une salariée dont la mission concerne exclusivement cette frontière.


Les bases de la politique de l’Anafé

Les droits de l’enfant sont inscrits dans le droit international, notamment dans la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CDE) et sont au cœur de la politique de protection de l’Anafé telle que :

  • Tout enfant qui est temporairement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciale de l’Etat (article 20 CDE) ;
  • Tous les enfants ont les mêmes droits à une protection contre les abus et l’exploitation (CDE, Art. 19) ; à la vie, à la survie et au développement (CDE, Art. 6) ; à réaliser leur potentiel (CDE, Art. 27) ; et à exprimer librement leurs opinions, qui seront prises en considération en fonction de leur âge et de leur degré de maturité (CDE, Art. 12 et 13) ;
  • Il faut combattre les inégalités et la discrimination : l’enfant sera traité avec respect, indépendamment de toute considération de sexe, d’origine nationale ou ethnique, de croyances religieuses ou politiques, d’âge, de santé mentale ou physique, de préférence ou d’identité sexuelle, de situation familiale, socioéconomique et culturelle, ou de démêlés avec la justice (CDE, Art. 2) ;
  • Tout le monde a la responsabilité de soutenir les soins et la protection à accorder aux enfants. (CDE, Art. 3).
  • Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, […], l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale (CDE, art. 3) ;
  • Les États parties veillent à ce que (…) nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire : l’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit n’être qu’une mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible (CDE, art. 37 – b) ;
  • Tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes (CDE, art. 37 c).

La prise en charge des besoins spécifiques des enfants privés de liberté en zones d’attente est une préoccupation majeure de l’Anafé.
La politique de protection des enfants de l’Anafé repose aussi sur un principe de responsabilités particulières envers les enfants impliqués dans ses activités.


Les objectifs de la politique de protection des enfants de l’Anafé et responsabilités

Pour l’Anafé, l’objectif premier est la fin de l’enfermement des mineurs aux frontières et que tout mineur isolé se présentant aux frontières soit admis sur le territoire français et pris en charge au titre de la protection de l’enfance.

Tant que les mineurs seront privés de liberté en zone d’attente, les objectifs de l’Anafé seront de prévenir la violence, sensibiliser les enfants à leurs droits, sensibiliser les personnes engagées auprès de l’Anafé aux droits des enfants et à leur rôle actif dans la protection de l’enfance, faire respecter la CDE.

Toute personne (AAH, PAF, magistrats, ministère de l’intérieur, OFPRA, ONG…) amenée à travailler avec un enfant, isolé ou accompagné, en difficulté aux frontières doit veiller au respect des préceptes de l’article 3 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, selon lequel « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». La protection des mineurs doit donc être la priorité.

En zone d’attente, seuls les représentants légaux peuvent prendre en charge les mineurs : les parents pour les mineurs accompagnés, les administrateurs ad hoc pour les mineurs isolés. Les administrateurs ad hoc sont en général membres (ou salariés) d’associations (Croix-Rouge française et Famille assistance en ZAPI ; autres associations pour les autres zones d’attente). L’intervention de l’Anafé (juridique, administrative ou de plaidoyer) se fait donc en accord avec les représentants légaux des mineurs.

Dans le cadre du recrutement de ses militants (membres, visiteurs, bénévoles) et de son personnel, l’Anafé porte une attention particulière à la sensibilité de ces personnes aux questions de la protection des enfants. L’Anafé ne réalise pas de contrôle concernant les antécédents dans le cadre du recrutement des militants ou salariés. Une enquête peut être diligentée par la police sur demande du ministère de l’intérieur lors d’une demande d’habilitation d’accès aux zones d’attente. Le contact des salariés ou militants de l’Anafé avec un enfant qu’il soit isolé ou accompagné se fait toujours en présence de son représentant légal, lorsqu’il en a un.

Enfin, dans le cadre de la formation des militants et des salariés, un accent spécial est mis sur les procédures applicables aux mineurs et sur les pratiques constatées en zones d’attente.

Au surplus, le personnel, les intervenants, visiteurs et membres de l’Anafé s’engagent à :

  • Faire toujours prévaloir « l’intérêt supérieur de l’enfant », notamment dans le cadre de l’accompagnement juridique et administratif prodigué lors des permanences de l’Anafé.
  • Ne pas mettre en danger [3] un enfant ou lui faire subir le risque d’être mis en danger.
  • Informer les mineurs de leur situation et réaliser des actions en leur faveur après avoir obtenu leur consentement, celui de leurs parents ou de leur administrateur ad hoc, et ne pas recevoir de contrepartie financière ou en nature pour ce faire.
  • Signaler tout abus commis contre un enfant ou problème lié à sa protection aux coordinatrices de l’Anafé. L’Anafé peut saisir ensuite les autorités compétentes (ministère de l’intérieur, direction de la police aux frontières…) et les instances de protection des droits humains au niveau national (Défenseur des droits, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Commission nationale consultative des droits de l’homme) ou au niveau international (Haut-commissariat pour les réfugiés, Unicef, Rapporteur spécial sur les droits des migrants, Comité des droits de l’enfant…).
  • Participer au plaidoyer de l’Anafé en faveur de la fin de l’enfermement des mineurs.
  • Toujours respecter les droits des enfants, leur intégrité et leur dignité et ne jamais les exposer à un risque de subir un tort.
  • Ne pas prendre en photo ou filmer les enfants maintenus en zone d’attente.
  • Respecter l’intimité des mineurs notamment dans le cadre des visites de zones d’attente et au cours des entretiens.
  • Le principe de confidentialité est fondamental dans le cadre des activités d’assistance, d’observation et de témoignage de l’Anafé. Il en va de même pour les activités de plaidoyer.


Constats des dangers encourus par les enfants aux frontières françaises

Les dangers pour le mineur en zone d’attente peuvent comprendre plusieurs dimensions :

  • la privation de liberté elle-même ;
  • des risques de subir des violences policières ;
  • des risques en cas de retour dans le pays d’origine, soit en raison de craintes de persécutions, d’exploitation par un réseau, ou bien car le mineur tente d’échapper à des maltraitances familiales ;
  • des risques, en cas de renvoi vers le pays d’origine ou de provenance, de ne pas être pris en charge à son arrivée par sa famille ou ses représentants légaux, ou par des services sociaux susceptibles de le protéger de manière effective ;
  • des risques de séparation de familles (lorsqu’ils sont avec des membres de leur famille qui ne sont pas les représentants légaux, l’issue peut être différente).

Le danger résulte aussi des conditions de placement en zone d’attente lorsque le mineur est, par exemple, maintenu dans des locaux ne répondant pas à des normes sanitaires acceptables ou dans les mêmes locaux que les adultes. Mais de façon plus générale, les mineurs isolés placés en zone d’attente doivent être considérés en danger s’ils font état de risques en cas de retour dans leur pays d’origine. Ces derniers ne doivent pas toujours être assimilés aux risques de persécution pris en compte dans le cas d’une demande d’admission sur le territoire au titre de l’asile ; on peut citer les dangers encourus par les jeunes pris dans les mailles de réseaux qui les exploitent ou par ceux qui tentent d’échapper à des maltraitances familiales.

La contestation de minorité
La circulaire interministérielle du 14 avril 2005 prévoit que lorsqu’un mineur se présente à la frontière, les services de la police aux frontières doivent procéder à toutes « les investigations nécessaires visant à établir clairement sa minorité » (Circ. CIV/01/05, 14 avr. 2005). Elle précise que la preuve de l’âge pourra résulter « notamment de la détention d’un acte d’état civil en apparence régulier, sauf si d’autres éléments (extérieurs ou tirés de l’acte lui-même) établissent qu’il est irrégulier, falsifié ou ne correspond pas à la réalité » (C. civ., art. 47, al. 1).

En cas de doute sur les déclarations de l’étranger quant à son âge, sur réquisition du procureur de la République, les services médico–judiciaires sont alors chargés de procéder à des examens cliniques afin de déterminer si l’intéressé est mineur ou non. Le résultat est communiqué au procureur de la République qui apprécie si l’étranger doit être considéré comme majeur ou mineur, et si la procédure de désignation de l’administrateur ad hoc lui est ou non applicable. Pour ce faire, il devra « apprécier la force probante de l’examen médical en tenant compte de la marge d’imprécision reconnue à ce type de technique ».

L’expertise osseuse est un outil approximatif contesté par un grand nombre de praticiens hospitaliers au vu de sa marge d’erreur, et qui ne prend pas en compte l’histoire, l’origine et l’environnement du mineur.

Le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, M. Gil Robles a constaté que les mineurs isolés « sont quasiment systématiquement considérés comme des fraudeurs ». Leur minorité est souvent mise en cause. Il rappelle que les examens osseux sont des « techniques inadaptées » et qu’ils aboutissent à considérer certains mineurs comme des adultes, ce qui les exclut des garanties administratives et judiciaires qui leur sont offertes (Rapport sur le respect effectif des droits de l’homme en France, Conseil de l’Europe, 15 févr. 2006).

En zone d’attente, un grand nombre d’expertises osseuses sont pratiquées sur des mineurs qui sont pourtant en possession d’un document d’état civil attestant de leur minorité sans que la preuve ne soit rapportée que ledit document est falsifié ou qu’il est usurpé. Cette pratique de l’administration persiste bien que plusieurs cours d’appel aient précisé qu’à défaut de pouvoir apporter la preuve de son caractère frauduleux, la validité d’un acte d’état civil étranger ne peut être remise en cause par des expertises osseuses [4].

A l’inverse, dans le cas où les documents d’identité sont reconnus comme falsifiés et non valables par la police aux frontières (PAF), il arrive pourtant que l’administration considère l’âge indiqué sur ces documents comme une preuve de majorité.
Aussi, dans de nombreux cas, l’administration française décide d’ignorer le principe, rappelé par le Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies, selon lequel le bénéfice du doute doit être accordé à celui qui se déclare mineur tant que la preuve irréfutable de sa majorité n’est pas rapportée.

A la frontière franco-italienne , la procédure appliquée par les autorités françaises ne respecte pas les principes fondamentaux de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant et chaque jour, leurs droits sont bafoués (pas de protection des mineurs isolés étrangers, refoulements systématiques de toute personne arrivant à cette frontière, y compris les demandeurs d’asile et les mineurs, privation de liberté sans cadre légal). Dans une ordonnance du 22 janvier 2018, le tribunal administratif de Nice a constaté les pratiques illégales de l’administration française à l’encontre d’un mineur isolé de 12 ans et a enjoint à la préfecture de réexaminer sa situation. Cette décision a condamné les pratiques de refoulement immédiat des mineurs isolés étrangers à la frontière franco-italienne [5].


Qui sont les mineurs concernés ?

En octobre 2016, le ministère de l’intérieur recensait 67 zones d’attente dans les aérogares, les ports et les gares desservant des destinations internationales (frontières externes).

Les zones d’attente, situées aux frontières externes de la France (et de l’espace Schengen) peuvent inclure des lieux d’hébergement « assurant des prestations de type hôtelier », défaut, la personne étrangère sera transférée dans une zone d’attente disposant d’un lieu d’hébergement.
Depuis 2011, la loi prévoit également la possibilité de création de zones d’attente mobiles et temporaires6, lorsque les conditions suivantes sont réunies : arrivée d’un « groupe » d’au moins dix personnes étrangères, qui viennent manifestement d’arriver en France et qui se trouvent dans un même lieu ou dans des lieux distants de moins de dix kilomètres. La zone d’attente s’étendra alors du lieu de découverte du groupe au point de passage frontalier le plus proche.

Sont maintenues en zone d’attente les personnes (dont des mineurs isolés ou accompagnés de leur famille) auxquelles l’administration refuse l’accès en France et dans l’espace Schengen parce qu’elles ne remplissent pas les conditions d’entrées et/ou sont suspectées d’être un « risque migratoire », ou parce qu’elles demandent leur admission au titre de l’asile.
Les mineurs sont soumis à la même procédure que les majeurs.
La situation d’un mineur accompagné est liée à celle de la personne qui l’accompagne.
Les mineurs isolés maintenus ne bénéficient pas des protections accordées sur le territoire.

Toute personne dont l’entrée est refusée n’est pas systématiquement placée en zone d’attente, elle peut être réacheminée immédiatement.
Ainsi, en 2016, selon le ministère de l’intérieur, 11 611 personnes se sont vues refuser l’entrée sur le territoire depuis les ports et les aéroports desservants l’international et 8 402 ont été placées en zone d’attente (tous motifs de placement confondus, métropole et outre-mer), dont 6 789 à Roissy et 666 à Orly.
Pour les six premiers mois de 2017, 6 338 personnes ont été placées en zone d’attente (tous motifs de maintien confondus), dont 4 299 à Roissy et 297 à Orly.
En 2016, 223 mineurs isolés « avérés » ont été placés en zone d’attente (200 à Roissy), 22 ont été refoulés. Au 1e semestre 2017, 2 des 141 mineurs placés en zone d’attente ont été réacheminés.

Les mineurs placés au sein des zones d’attente relèvent de deux catégories :
les mineurs accompagnés
Il s’agit des mineurs accompagnés d’un ou de plusieurs membres de leur famille. Outre les conséquences physiques et psychologiques de l’enfermement, le risque premier pour ces mineurs est celui d’être séparés de leur famille si celle-ci se voit refoulée.
les mineurs isolés
Ce sont des jeunes de moins de 18 ans qui n’ont pas la nationalité française et se trouvent séparés de leurs représentants légaux sur le sol français. De leur minorité découle une incapacité juridique, et de l’absence de représentant légal une situation d’isolement et un besoin de protection. Lorsqu’un mineur non accompagné est placé en zone d’attente, un administrateur ad hoc doit être nommé pour le représenter.
De cette vulnérabilité découle un risque de subir ou d’assister à des violences (physiques ou psychologiques), risque également lié au retour dans leur pays d’origine ou de provenance. L’un des risques les plus importants est aussi celui des différents réseaux de traite des mineurs (prostitution, esclavagisme, vols etc.).

Enfin, du fait de leur situation de minorité tous les enfants sont particulièrement vulnérables au regard de l’ensemble des conditions de prise en charge au sein de la zone d’attente : non-conformité des locaux, nourriture parfois non adaptée, situation anxiogène d’enfermement, absence de compréhension de la situation.

A la frontière franco-italienne et en lien avec le rétablissement des contrôles aux frontières internes (à l’intérieur de l’espace Schengen), les enfants rencontrés par l’Anafé sont quasiment tous isolés, c’est-à-dire qu’aucun n’est accompagné d’un représentant légal. L’administration française refuse de leur accorder les droits dévolus aux mineurs isolés aux frontières (droit au jour franc automatique et désignation d’un administrateur ad hoc) et les renvoie systématiquement et immédiatement vers l’Italie. En effet, la procédure et la pratique qui ont vu le jour à cette frontière n’impliquent pas nécessairement de placement en zone d’attente.


Principes applicables, contexte législatif et pratiques

Pour rappel, l’article 20 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant prévoit que « 1. Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l’Etat ».

Ainsi, tout enfant, qu’il soit national ou étranger, doit être protégé.

Le régime de la protection de l’enfance en France est issu essentiellement des lois n°2007-293 du 5 mars 2007 et n°2016-297 du 14 mars 2016, qui prévoient une protection des mineurs administrative (article L.222-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles) et judiciaire (article 375 du code civil).

Il n’existe donc pas de statut juridique propre aux mineurs non accompagnés à la frontière. Ces derniers se trouvent à un croisement, relevant à la fois du droit des étrangers et, au titre de l’enfance en danger, du dispositif français de protection de l’enfance, qui ne pose aucune condition de nationalité. Cette dualité imprègne l’ensemble des enjeux liés à la problématique des MIE. Pourtant, le statut d’enfant devrait prévaloir, conformément aux engagements de la France, au titre de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant.

Or, l’ensemble de ces dispositions relatives à la protection de l’enfance ne s’appliquent pas à la frontière, et les mineurs se retrouvent privés de liberté et non pris en charge par les autorités compétentes.

Il a été reconnu par la Cour européenne des droits de l’Homme par cinq arrêts rendus le 12 juillet 2016 [A.B. et autres c. France (n° 11593/12), A.M. et autres c. France (n° 24587/12), R.C. et V.C. c. France (n° 76491/14) et R.K. et autres c. France (n° 68264/14)] que l’enfermement de mineurs, bien qu’accompagnés de leurs familles, dans des centres de rétention administrative est incompatible avec les articles 3, 5 et 8 de la Convention EDH. En effet, les conditions inhérentes aux structures d’enfermement ont un effet anxiogène sur les enfants (présence policière, barbelés, tentatives d’embarquement...).
Or, les similarités entre les zones d’attente et les centres de rétention administrative ne sont plus à démontrer.

Le Défenseur des droits dans son rapport « Les droits fondamentaux des étrangers » [6] souligne que « les conditions de vie à la frontière des mineurs apparaissent peu conformes à l’intérêt supérieur des enfants au sens de l’article 22 de la CIDE et de son interprétation par le Comité́ des droits de l’enfant ». Le comité contre la torture des Nations-Unies est lui aussi préoccupé par la situation des mineurs en zone d’attente, accompagnés ou non. Il s’était déjà prononcé en 2010 sur la séparation obligatoire des mineurs et des adultes, la désignation d’un AAH, le renvoi garantissant la sécurité du mineur, etc. Plus particulièrement, le Comité a mis en exergue la nécessité de tenir compte de la vulnérabilité de ces enfants ainsi que du respect de la personne.

Le 21 avril 2016, le Comité contre la torture se prononçait de nouveau sur le sort des mineurs, cette fois présents en centre de rétention, en ces termes : « un étranger accompagné d’un ou plusieurs enfants(s) mineur(s) doit prioritairement faire l’objet de mesures alternatives à la rétention ; si la rétention est néanmoins décidée, elle ne peut se faire que pour la durée la plus brève possible dans des locaux spécialement aménagés en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Selon le Comité des droits de l’Homme de l’ONU, dans son rapport d’examen périodique de la France publié en juillet 2015, l’Etat partie devrait « interdire toute privation de liberté pour les mineurs en zones de transit et dans tous les lieux de rétention administrative en Métropole et en Outre-mer ; s’assurer que les mineurs isolés étrangers reçoivent une protection judiciaire et le soutien de l’aide sociale à l’enfance ; veiller à ce que le contrôle du juge judiciaire intervienne avant toute exécution d’une mesure d’éloignement ou de refoulement du territoire ».

Dans son document « UNHCR’s position regarding the detention of refugees and migrant children in the migration context » de janvier 2017 [7], le HCR prend une position contre l’enfermement des mineurs isolés ou accompagnés en précisant qu’ils ne devraient pas être privés de liberté du fait de leur migration.

Malgré ces nombreuses recommandations, le maintien de mineurs isolés en zone d’attente continue d’être pratiqué en contradiction avec les principes de droit international, de la jurisprudence européenne, du droit interne et des recommandations des instances de protection des droits de l’Homme [8].

Les réformes de l’asile (en 2015) et du droit des étrangers en France (en 2016) ne vont pas dans le sens d’une amélioration des droits des mineurs maintenus en zone d’attente [9].
Selon la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile, les mineurs isolés demandeurs d’asile à la frontière ne devraient plus être maintenus en zone d’attente sauf exceptions. Ces dernières sont globalement laissées à l’appréciation de l’administration, sans réel contrôle juridictionnel.

En droit français, s’il est interdit d’éloigner un mineur isolé du territoire, rien n’empêche en revanche de le renvoyer depuis la frontière, sans que sa sécurité et son bien-être ne soient véritablement garantis dans le pays de renvoi. Ceci résulte également de l’absence de recours suspensif contre la décision de non admission sur le territoire français (à l’exception des recours réservés aux demandeurs d’asile). En zone d’attente, il n’existe aucune voie de recours permettant de suspendre le renvoi afin de permettre un examen sérieux de la situation du mineur par les services sociaux. Enfin, si l’administration assure vérifier les « garanties de prise en charge » à l’arrivée du mineur isolé avant de procéder à son refoulement, les modalités de cette vérification et l’étendue de ces garanties ne sont pas définies légalement, ni soumise au contrôle juridictionnel.

A la frontière franco-italienne , l’administration française a deux options lorsqu’un mineur se présente : soit il se voit refuser l’entrée sur le territoire français et un administrateur ad hoc devrait lui être désigné, soit il est admis sur le territoire et l’aide sociale à l’enfance doit le prendre en charge et assurer sa protection. C’est cette seconde solution qui est demandée par l’Anafé et qui est mise en place par le tribunal administratif de Nice lorsqu’il est saisi.


L’accompagnement des enfants aux frontières

Sans représentation juridique propre, les mineurs isolés se voient désigner un administrateur ad hoc (AAH), chargé d’assister le mineur durant son maintien en zone d’attente et d’assurer sa représentation juridique dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles relatives à ce maintien (art. L. 221-5 du CESEDA).
Dans la pratique, la désignation de l’AAH peut être tardive alors que la cour de cassation considère que tout retard dans la mise en œuvre de cette obligation, en l’absence d’une circonstance particulière, « porte nécessairement atteinte aux intérêts du mineur ».

De plus, l’AAH ne peut matériellement être présent lors de la première phase de la procédure où a lieu la notification des décisions de refus d’entrée et de placement en zone d’attente, que le mineur doit lui-même signer, en dépit de son incapacité juridique pour ce faire.

Le Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe, dans son rapport au gouvernement relatif à la visite effectuée en France publié le 10 décembre 2007, recommande aux autorités françaises « de prendre toute les mesures nécessaires – y compris la présence sur place, dans les zones d’attente, des administrateurs ad hoc lorsque les actes les plus importants sont posés – afin de garantir l’effectivité du système de protection des mineurs non accompagnés prévu par la loi ».

L’action principale de l’Anafé est l’information.

Dans tous les cas, l’Anafé veille à :
- ce que les enfants soient informés de la situation, du lieu où ils se trouvent et des droits dont ils bénéficient ;
- travailler en étroite collaboration avec l’AAH saisi pour les MIE ;
- accompagner les parents.

A la frontière franco-italienne , les MIE n’ont pas de représentant légal. L’Anafé veille à les informer de la situation et des possibilités qui leur sont offertes en termes de droits. Elle peut les accompagner dans leurs démarches juridiques [10].


Mise en œuvre de la politique de protection des enfants par l’Anafé

L’Anafé milite pour la mise en place d’une permanence gratuite d’avocats en zone d’attente, pour un accès garanti au contrôle juridictionnel et pour la fin de l’enfermement de tous les mineurs étrangers.

La politique de protection des enfants de l’Anafé s’intègre à l’ensemble de ses axes de travail, que ce soit les actions de terrain ou la dimension politique.

En effet, l’Anafé réalise des actions ciblées sur les personnes plus vulnérables et notamment sur les mineurs (qu’ils soient isolés ou accompagnés), dans le cadre de ses activités :

  • d’observation et d’analyse, via le recueil des témoignages, lors des observations d’audiences et des visites de zones d’attente ou dans le cadre des observations à la frontière franco-italienne ;
  • d’information et d’assistance lors de ses permanences juridiques (physiques à Roissy et téléphoniques), des suivis individuels des personnes refoulées ou gardées à vue, des accompagnements aux entretiens OFPRA, des formations qu’elle dispense aux bénévoles, visiteurs, professionnels du droit… ;
  • de plaidoyer via des publications des constats de l’Anafé en termes de violations des droits en zones d’attente et des réunions avec les autorités, institutions et instances de contrôles au niveau national et international et de sensibilisation de l’opinion publique sur la situation des mineurs en zones d’attente ;
  • du travail inter associatif, en mettant en avant la problématique de la privation de liberté des mineurs aux frontières.

Ainsi la question des mineurs privés de liberté aux frontières se retrouvent dans les priorités de l’Anafé pour 2018 qui sont :

  • Lutter contre l’invisibilité de l’enfermement aux frontières et les pratiques attentatoires aux droits voire illégales,
  • Assurer l’accompagnement de personnes en difficulté aux frontières ou en zone d’attente, et assister des populations plus vulnérables (demandeurs d’asile, mineurs et personnes malades),
  • Récolter des informations et capitaliser les données recueillies,
  • Assurer des formations sur la procédure en zone d’attente à l’attention des intervenants (notamment via sa rencontre biennale des visiteurs de zone d’attente) et des professionnels du droit,
  • Analyser les textes et les pratiques, notamment au regard des réformes passées et à venir mais aussi au regard de la notion de « risque migratoire »,
  • Plaidoyer auprès des autorités et instances nationales, européennes et internationales,
  • Sensibiliser l’opinion publique aux questions migratoires et de contrôle des frontières,
  • Observer et analyser les conséquences de la délocalisation annoncée des « audiences JLD » en zone d’attente de Roissy,
  • Renforcer sa présence à la frontière franco-italienne,
  • Réaliser des actions ciblées en faveur d’un contrôle juridictionnel garanti et pour les personnes plus vulnérables (notamment : les mineurs, les demandeurs d’asile, les personnes malades, les victimes de traite et les étrangers maintenus dans les ports et en outre-mer).

En pratique :

  • Permanences juridiques : informer et accompagner administrativement ou juridiquement (en lien avec la famille ou l’administrateur ad hoc) les enfants ;
  • Elaboration et actualisation d’outils spécifiques pour l’accompagnement juridique des enfants (signalements…) ;
  • Contentieux : rédiger et/ou être partie à des contentieux concernant des enfants ;
  • Récolte d’information sur les pratiques et les conditions matérielles de maintien des enfants lors des permanences, visites et observations d’audience et sur les conditions de refoulement (dans le cadre du suivi des personnes refoulées) ;
  • Missions exploratoires : focus sur la situation des mineurs dans les pays de renvoi (Liban, Maroc) ou les frontières (Mayotte, frontière franco-italienne) ;
  • Formation : sensibilisation à la question de l’enfermement des enfants et au droit applicable (pour les visiteurs, bénévoles et professionnels intervenant en zone d’attente) ;
  • Rapports : faire état des constats spécifiques aux enfants en zone d’attente, à la frontière franco-italienne ou dans les pays de renvoi ;
  • Plaidoyer : dénonciation des pratiques violant les droits des enfants, les violences et les refoulements illégaux auprès des autorités et des instances de protection des droits humains au niveau national et international ;
  • Sensibilisation : information de la société civile sur l’enfermement des enfants aux frontières.

Documents joints

Notes

[3Il faut entendre par là le fait de commettre un abus, un acte de malveillance physique ou psychologique.

[4CA Paris, 13 novembre 2001, arrêt n°441 ; CA Lyon, 18 novembre 2002, arrêt n°02/252.

[8Notamment le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, les Comités des Droits de l’Enfant, des Droits de l’Homme et Contre la Torture des Nations Unies, le Conseil de l’Europe. Au niveau national, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme et le Défenseur des Droits.

[9Voir les argumentaires de l’Anafé sur les réformes de l’asile et du droit des étrangers disponibles sur le site.