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Brève 2010 - Du séisme en Haïti au cynisme en zone d’attente

lundi 3 juin 2013

Du séisme en Haïti au cynisme en zone d’attente

Charlene K., jeune haïtienne de 13 ans, est arrivée à Orly le 9 mai. Elle a immédiatement été placée en zone d’attente, une sorte de prison pour étrangers suspectés de vouloir entrer illégalement en France. Elle a naïvement donné son véritable nom au policier qui avait en main son faux passeport établi à un autre nom. Sa tante (française) qui l’attendait à l’aéroport, soupçonnée d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers, est alors placée en garde à vue puis relâchée.

Charlene n’a plus de famille en Haïti. Elle y était élevée par une tante, disparue lors du séisme. En France, ses grands parents sont en situation régulière, ses oncles et tante sont français. Mais pas sa mère, Aline, arrivée en 2006 et qui vient à peine de déposer une demande de régularisation.

La police aux frontières d’Orly a appelé la maman sur son portable pour lui demander de se présenter en personne au commissariat et sans avocat. Terrorisée par la peur d’être arrêtée, la mère ne se présente pas. Charlene passe une première nuit à l’hôtel, ramenée en zone d’attente dès le matin, un administrateur ad hoc est nommé, l’ANAFE apprend la situation et la relaie auprès des associations.

Nouvelle nuit d’hôtel. Mardi, le grand-père de Charlene se rend à Orly avec tous les documents (certificat de naissance de la petite, documents pour garantir la prise en charge par la famille etc.). Mais la police ne veut voir que la mère.

Sur la base des récentes déclarations de M. Besson indiquant qu’il n’y avait pas eu et qu’il n’y aurait pas d’expulsions d’Haïtiens, RESF prend contact avec le ministère qui l’assure que la mère ne court aucun danger en se présentant à la police. On tente de la convaincre de venir, on s’assure que le commissariat est prévenu, qui déclare « c’est donc trop tard pour madame, le dossier part dès à présent au Parquet ».

Nouvelle nuit d’hôtel pour Charlene, l’audience devant le juge des libertés qui pourra décider de sa libération est fixée au jeudi, soit 4 jours après qu’elle ait posé le pied sur le sol français.

Mercredi : du ministère à la PAF d’Orly, la transmission est pour le moins chaotique. D’un côté : « la mère ne risque rien ». De l’autre, « on n’a pas reçu de consignes, on verra quand la mère arrivera, on transmet à la hiérarchie ».

20 heures : le ministère s’est engagé fermement, la mère, accompagnée, se présente avec son acte de naissance, celui de Charlene, des photos de sa fille.

20 h 30 : Rien ne va plus : la PAF exige une photo de la mère et de la fille ensemble pour avoir la certitude de la filiation !!!

Nouvel appel au ministère, qui… ouvre le parapluie : on ne peut pas prendre de risque, les documents présentés sont insuffisants. Avant de raccrocher, on informe le cabinet du ministre de la préparation d’un communiqué de presse.

21 h 30, nouvel appel du ministère. Miracle, tout baigne, Charlene peut être remise à sa mère… après 80 heures en zone d’attente.

Dès son arrivée en janvier 2009, Éric Besson avait pris l’engagement de changer radicalement la situation des mineurs en ZA. Beaux discours et réalité sordide.

La solution est pourtant simple : dès lors qu’un mineur dont la situation n’est pas claire pose le pied sur le sol français, il doit être remis à l’aide sociale à l’enfance sous la responsabilité de la justice des mineurs, le temps que les vérifications nécessaires soient faites.

Armelle, RESF, 2010

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