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Brève 2014 - La France, terre d’accueil... à discrétion
lundi 1er juin 2015
La France, « terre d’accueil »
des valeurs à la discrétion de la police aux frontières
Si des milliers de touristes transitent chaque année par les aéroports pour rejoindre des destinations toujours plus attrayantes les unes que les autres, des milliers d’étrangers sont eux placés en « zone d’attente » puis refoulés. En effet, les raisons qui les amènent à tout quitter pour rejoindre la France, « terre d’accueil » et « pays des Droits de l’Homme », sont jugées insuffisantes et non fondées. Parfois, la France fait tout simplement la sourde oreille et ces raisons ne sont même pas entendues.
C’est le cas de Laura, jeune fille originaire d’un pays africain. La victoire de l’armée régulière nationale sur les rebelles n’a malheureusement pas permis de rétablir la paix et la sécurité dans son pays. Les exactions contre les populations se multiplient et les opposants politiques sont traqués et exécutés. Laura, fille d’opposant politique, est elle-même recherchée et subit continuellement des menaces de persécution. Afin de sauver sa vie, elle décide de fuir vers la France, où son père réside depuis quelques années. Rappelons que la France a adopté la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et ratifié la Convention de Genève relative au statut des réfugiés et doit donc respecter ses engagements.
Cependant, Laura est consciente que, malgré les bons principes affichés et les obligations juridiques qu’ils sont censés induire, la réalité peut être bien moins chaleureuse. Sa mère avait en effet voulu rejoindre son mari dès 2009 et s’était vue refuser l’entrée sur le territoire français avant d’être renvoyée dans son pays d’origine, où elle réside actuellement depuis 5 ans… en prison. C’est donc certainement apeurée, méfiante et très fatiguée que Laura est descendue de son avion à Orly le 13 janvier 2014.
A-t-elle eu le temps de reprendre son souffle et de penser, ne serait-ce qu’un instant, à sa sécurité retrouvée ? Certainement pas. Immédiatement interpellée par la police aux frontières (PAF), elle a dû expliquer et justifier les raisons de sa venue. Lors de ses premières déclarations, elle a préféré prétexter venir assister à un mariage en Espagne plutôt que de révéler sa situation d’enfant d’opposant politique et de personne recherchée. Cependant, elle a rapidement fait part de sa véritable situation et a clairement exprimé son désir de rejoindre son père en France. Mais c’était sans compter sur le « sens de discernement » de la PAF qui n’a pas jugé bon d’entendre ses angoisses et a refusé d’enregistrer sa demande d’asile, la considérant comme inutile car « vouée à l’échec » selon les officiers.
Ces derniers ne lui ont pas non plus lu ses droits, dont son droit au « jour franc », alors qu’ils ont l’obligation d’en informer les personnes maintenues. En l’occurrence, le jour franc permet aux étrangers de bénéficier d’un délai de 24 heures avant leur réacheminement durant lequel ils peuvent prendre contact avec la personne de leur choix (leur consulat, un avocat, des proches...) et essayer de remplir les conditions permettant de pénétrer sur le sol français.
Laura, n’ayant pu bénéficier de ce droit, a été renvoyée dans les 48 heures qui ont suivi son arrivée. Le seul droit qu’elle a pu exercer avant son renvoi a été celui de voir un médecin, sur les conseils de l’Anafé et non de la PAF, qui avait également omis de mentionner cette possibilité alors que la jeune fille souffrait de divers maux.
Suite à son refus d’embarquer, elle a été entièrement ligotée avec des ceintures puis « accompagnée » jusqu’à la sortie... Une fois arrivée dans son pays, elle a déclarée avoir été frappée par les policiers locaux puis jetée en prison.
L’histoire de Laura n’est pas un cas isolé. Chaque année, plus de 11 000 personnes transitent dans ces « zones d’attente ». Plusieurs milliers sont renvoyés et parfois, sans même avoir eu l’opportunité d’enregistrer une demande d’asile auprès des autorités françaises. Sa situation est révélatrice des nombreux dysfonctionnements des procédures aux frontières, dont la (non) notification de leurs droits aux étrangers. Cela pose également la question des pouvoirs étendus et discrétionnaires de la PAF, seule autorité habilitée à juger de la situation des étrangers pendant les 96 premières heures de leur maintien.
Dans le cas de Laura comme dans beaucoup d’autres, tant pis pour les principes de « terre d’accueil » et de « pays des Droits de l’Homme », bons baisers d’Orly et bon retour au pays.
Margot, Intervenante Anafé, 2014
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