Famille en zone d’attente de Roissy : Quand enfermement rime avec inhumanité et violation des droits
Pour Mme S., son mari et leur fille de huit mois, déboutés de leur demande d’asile à la frontière, les 14 jours pendant lesquels ils ont été enfermés dans la zone d’attente de Roissy ont eu des conséquences désastreuses : Mme S. a fait une fausse couche, leur bébé de 8 mois a été malade et la famille a été renvoyée.
Ce que cette famille a vécu montre une nouvelle fois que l’enfermement en zone d’attente n’est pas compatible avec le respect et la protection de la dignité, des droits et de la santé des personnes.
La fin de l’enfermement des personnes en zone d’attente est le seul moyen de faire cesser les violations des libertés fondamentales qui y sont perpétrées.
Mme S., son mari et leur fille de huit mois se sont vus refuser l’accès au territoire français et la famille a été placée en zone d’attente à l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle (la ZAPI) le 30 juin 2017. Mme et M. S. ont enregistré une demande d’admission sur le territoire au titre de l’asile le jour même.
Quatre jours plus tard, le juge des libertés et de la détention a prononcé la prolongation de leur maintien.
Le 5 juillet, le ministère de l’intérieur a rejeté leur demande d’asile. Assistés par l’Anafé, Mme et M. S. ont déposé un recours argumenté (documents à l’appui) devant le Tribunal administratif de Paris.
Vendredi 7 juillet, Mme S. a été transférée par le médecin de la ZAPI à l’hôpital vers 18h suite à un malaise et des saignements qui ont conduit les médecins à diagnostiquer une fausse couche. Elle a été ramenée en ZAPI vers 20h30. Suite à un nouveau malaise et des saignements persistants, la PAF (police aux frontières) a appelé le médecin de l’aéroport vers 22h (le cabinet médical de la ZAPI étant fermé la nuit). Le médecin a décidé de nouveau de transférer Mme S. à l’hôpital. Elle y aurait été reçue par les mêmes médecins que la première fois, qui lui auraient recommandé : « rentrez chez vous, reposez-vous et mangez correctement ». Suite à quoi, elle a de nouveau été ramenée en zone d’attente. De plus, les médecins auraient délivré à la police des certificats de « compatibilité avec le maintien en zone d’attente et l’éloignement », ce qui est contraire à la déontologie médicale. Mme S. n’a pas eu communication des examens pratiqués – notamment l’échographie – ni des certificats médicaux.
En parallèle, la petite de 8 mois a eu de la fièvre (elle faisait ses dents) et la diarrhée pendant plusieurs jours.
La famille a été présentée au Tribunal administratif le 10 juillet, alors que Mme S. saignait encore. Le juge a confirmé la décision de rejet du ministère concernant leur demande d’asile. Le 12 juillet, bien qu’ayant été avisé de l’état de santé de Mme S. et de sa fille, le juge des libertés et de la détention a prononcé une seconde prolongation du maintien.
L’Anafé a saisi le ministère de l’intérieur le 10 juillet pour demander la libération de la famille à titre humanitaire. En vain, puisque les tentatives de renvoi se sont succédées pour la famille jusqu’au 14 juillet, date de leur réacheminement forcé.
L’Anafé a également avisé le Défenseur des droits et la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté de la situation.
Si la fausse couche de Mme S. ne peut être attribuée uniquement à son enfermement, le stress et l’angoisse inhérents à toute privation de liberté ne peuvent être étrangers à ce qu’elle a vécu. L’anxiété générée par le risque de renvoi dans un pays où elle et sa famille sont menacées et les conditions de maintien – notamment de sa fille de 8 mois – ont sans doute été un facteur à tout le moins aggravant de cette fausse couche.
Mais cette situation pose la question de l’accès aux soins et de leur suivi en zone d’attente. Une zone d’attente n’est pas un endroit « pour se reposer » tel que l’ont prescrit les médecins de l’hôpital, ni adapté à de telles circonstances. La prise en charge médicale n’a pas été appropriée à l’état de santé. Pourquoi les médecins n’ont-ils pas délivré un certificat médical d’incompatibilité avec le maintien en zone d’attente, qui aurait pourtant permis à la personne de bénéficier d’un environnement plus propice à son état de santé ? Pire, la délivrance de certificats médicaux de compatibilité du maintien en zone d’attente à la demande de la police, si elle était avérée, indiquerait une confusion entre la médecine de soins d’une part, et la médecine de contrôle ou d’expertise d’autre part.
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