Brève 2017 – Difficile de prouver sa (bonne) foi à un officier de protection de l’OFPRA
Hossein et Golshifteh (les prénoms ont été changés), leurs deux enfants et une amie de nationalité iranienne sont arrivés à Roissy le 20 mars 2016. Après avoir fait l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire et être placés en zone d’attente, ils font une demande d’admission sur le territoire au titre de l’asile, en raison de leur conversion au christianisme. Ils sont chacun rapidement convoqués à un entretien individuel avec un officier de protection (OP) de l’OFPRA. Cet OP doit vérifier que leur demande n’est pas « manifestement infondée » puis rendre un avis transmis au ministère de l’intérieur qui prendra la décision.
Au cours de l’entretien, l’officier de protection pose à Monsieur de nombreuses questions sur la religion chrétienne, ses célébrations, ses saints, ses croyances et attend de lui des réponses précises. Monsieur répond tant bien que mal, compte tenu du stress lié à son enfermement et de la difficulté à se concentrer, qu’il exprime à plusieurs reprises. L’OP lui demande à quelle fréquence Monsieur est allé à la messe, mais ne semble pas savoir que le dimanche n’est pas férié en Iran, et que Monsieur travaillait donc tous les dimanches. Il demande également des noms de saints, que Monsieur donne mais en farsi (l’interprète n’a apparemment pas traduit les noms). Enfin, il demande à Monsieur de parler des célébrations chrétiennes et plus particulièrement, de lui donner la date de Noël, sans prendre en compte le fait que les Iraniens n’ont pas le même calendrier que les Français et que la durée de leurs mois ne correspondent pas à celle des nôtres, ce qui participe à rendre la réponse de Monsieur confuse.
L’Iran a pour religion officielle l’islam chiite et ne tolère les chrétiens qu’en tant que minorité religieuse. Toute forme de prosélytisme pour la religion chrétienne, ou de conversion, est punie de mort, à la fois pour la personne qui convertit et celle qui se convertit. Lors de son entretien, Hossein fait part d’événements arrivés en Iran qui lui ont fait craindre pour sa vie et celle de sa famille. Il a donc exposé les menaces qui pèsent sur les convertis au christianisme en Iran de manière générale et sur sa famille et lui en particulier. Il s’efforce de montrer ses connaissances sur la religion chrétienne. La situation est paradoxale : Monsieur doit à la fois prouver qu’il est menacé à cause de sa conversion et ne peut pas exercer sa religion librement tout en démontrant qu’il connaît suffisamment cette religion pour apporter la preuve de sa foi.
Les décisions de rejet leur sont notifiées le jour même, il y a « trop d’incohérences » entre l’entretien de Monsieur et celui de sa femme, notamment concernant des dates données qui seraient différentes. La famille vient donc demander aux intervenants de l’Anafé de les aider à rédiger un recours contre ces décisions. Les recours devant le Tribunal administratif sont également rejetés.
Cela fait déjà huit jours qu’ils sont maintenus en zone d’attente de Roissy. Leur petit garçon est malade, et sa sœur semble très inquiète du stress de leurs parents. Après le rejet des recours, ils sont susceptibles d’être renvoyés à tout moment. Ils ont encore deux jours à attendre avant de repasser devant le juge des libertés et de la détention (JLD) [1].
Avant d’être entendus par le JLD, ils font face à deux tentatives d’embarquement, qu’ils refusent, au risque d’être placés en garde à vue. Le juge prolonge leur maintien en zone d’attente pour quatre jours au lieu de huit jours. Au cours de cette audience, l’avocat de l’administration accuse les parents d’avoir eux-mêmes pris la décision d’enfermer leurs enfants et l’interprète déclare qu’il « n’est pas étonnant qu’ils n’aient pas obtenu l’asile s’ils ne savaient même pas ce qu’on fête le 25 décembre ».
Après leur passage devant le JLD, la famille a subi de nouvelles tentatives d’embarquement. Suite à un refus d’embarquer, Monsieur a été placé en garde à vue avec l’amie de sa femme, pendant que le reste de la famille a été ramené en zone d’attente. Pendant la garde à vue, la police a demandé à Monsieur et à l’amie de sa femme de se déshabiller, dans la même pièce. Cela les a beaucoup choqués, et les policiers ont ri de cette pudeur. Ils ont finalement été libérés, et la famille aussi, pouvant ainsi entamer une procédure de demande d’asile sur le territoire.
Outre l’issue traumatisante de ce passage en garde-à-vue, l’histoire de cette famille rappelle certains des nombreux problèmes liés à la procédure d’admission au titre de l’asile sur le territoire français, notamment ceux rencontrés au cours de l’entretien avec l’OFPRA. Le bon déroulement de l’entretien est essentiel pour recueillir le témoignage d’une personne souhaitant être admise au titre de l’asile. Or, les remarques de Monsieur concernant son stress et son incapacité à se concentrer n’ont pas été prises en comptes ni par l’OP ni par le ministère de l’intérieur. De même, son récit ne semble pas avoir été mis en perspective avec les particularités du système iranien. Enfin, cette histoire met également en lumière le rôle majeur de l’interprète et de la qualité de son travail au cours de l’entretien avec l’OFPRA. Surtout, il faut rappeler que dans le cadre de la procédure de l’asile à la frontière, l’OP doit seulement évaluer si la demande est « manifestement infondée », mais bien souvent, l’examen en zone d’attente en matière d’asile ressemble à un examen au fond alors même que les personnes ne sont pas dans des conditions qui leur permettent de se préparer correctement à leur entretien.
Amélie, intervenante Anafé, 2017
[1] En zone d’attente, les personnes maintenues peuvent être présentées au JLD au bout du 4e et du 12e jour.
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