Brève 2016 – Une libération au goût amer
Une libération au goût amer
Jorge, ressortissant cubain, est arrivé le 29 avril 2016 dans la zone d’attente d’Orly. Alors qu’il se rend à Belgrade avec un visa en cours de validité, la police aux frontières décide de le maintenir en zone d’attente au motif qu’il ne respecte pas les conditions d’entrée. Fuyant le régime politique cubain pour lequel il risque plusieurs années de prison pour avoir commis un « délit d’abandon clandestin du territoire » en essayant de rejoindre les Etats-Unis de manière clandestine, Jorge décide de déposer une demande d’asile à la frontière le 1e mai 2016. Son entretien avec l’officier de protection de l’OFPRA s’est déroulé le 2 mai. Le même jour, il reçoit la décision du ministère de l’intérieur : c’est un refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile.
Jorge n’a pas pu déposer de recours contre ce refus, ne maîtrisant ni la langue française ni sa législation, n’ayant pas les moyens de bénéficier des services d’un avocat et n’ayant pas pu contacter la permanence de l’Anafé.
Ce n’est que le 10 mai, que Jorge, par le biais d’amis français, parviendra à entrer en contact avec l’Anafé. Il doit passer devant le juge des libertés et de la détention (JLD) le lendemain, pour la seconde fois.
Sentiment d’impuissance pour les intervenants de l’Anafé, de nouveau confrontés à cette situation difficile dans laquelle il faut faire comprendre aux personnes et à leurs amis qu’ils ne peuvent rien faire de plus, si ce n’est informer et écouter.
Le lendemain, nouvel appel de la part des amis de Jorge : le JLD a décidé de prolonger de 8 jours son maintien en zone d’attente et la police a prévenu qu’il aurait un vol avec escorte pour Cuba le dimanche 15 mai en milieu d’après-midi. Jorge et l’Anafé décident de faire appel de cette décision. Pour cela, les intervenants de l’Anafé disposent de 24h, soit jusqu’à 10h45 le lendemain. Mais, alors que les amis de Jorge doivent aller lui faire signer le recours lors d’une de leurs visites, ils se voient refuser l’accès à la zone d’attente, en violation du droit de recevoir une visite, pourtant garanti aux maintenus en zone d’attente.
Le 12 mai, ces mêmes amis se présentent de nouveau à la zone d’attente d’Orly, dès 8h. Encore une fois, violation des droits et refus de visite… Le sort semble s’acharner contre eux : un bagage abandonné dans l’aéroport nécessite qu’ils sortent de l’aéroport. Il ne reste qu’une heure avant la fin du délai d’appel…
Pendant ce temps, c’est la course du côté de l’Anafé. Tout est envisagé afin de trouver une solution en cas d’impossibilité de recevoir le recours signé dans les temps.
Il est désormais 10h35. Alors que les intervenants s’apprêtent à faxer le recours avec la lettre de régularisation a posteriori de défaut de signature, un mail des amis de Jorge leur parvient avec le recours signé. Le fax part dans les temps, mais si le délai d’envoi est respecté pour les premières pages, les dernières pages arrivent aux greffiers de la Cour d’appel après le délai. Néanmoins, en fin de journée, Jorge reçoit une convocation pour le lendemain à la Cour d’appel. Il semble donc que le recours ait été accepté.
Vendredi 13 mai, les choses semblent commencer plutôt bien. Jorge est accompagné d’un de ses amis, exilé politique cubain et écrivain, qui connaît la situation politique de Cuba et a rédigé quelques articles en début d’année 2016. Ils ont pu s’entretenir avec l’avocat de permanence et attendent l’audience. Mais, après plus de trois heures d’attente, le juge refuse d’entendre Jorge au motif d’un recours envoyé avec un hors délai de 3 minutes.
Incompréhension, colère, sentiment d’injustice… mais aussi – et surtout – d’impuissance dominent la fin de la journée. Mais Jorge n’en a pas fini avec les déboires de l’administration française.
Le dimanche 15 mai, après 16 jours de maintien en zone d’attente, la police aux frontières essaye de refouler Jorge, sous escorte. Cependant, le commandant de bord refuse qu’il monte à bord. Jorge est alors placé en garde à vue. Pendant 48 heures, il ne recevra pas de nourriture et seulement un verre d’eau. Finalement, le juge judiciaire décide de ne pas le poursuivre et le libère.
Une libération, certes, mais qui laisse un goût amer.
Emilie, Intervenante Anafé, 2016
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