Brève 2015 – Double peine pour demandeuses d’asile à la frontière
Il faut bien du courage aux femmes des quatre coins de la planète pour s’exiler lorsqu’elles sont victimes d’exploitation sexuelle, de mariage forcé et de violences conjugales. Pourtant, l’arrivée en France ne marque pas toujours la fin des souffrances et des humiliations pour ces femmes, notamment lorsqu’elles sont maintenues en zone d’attente à la frontière française.
Marthe est camerounaise. Après ses fiançailles, son futur mari, riche et influent auprès des autorités, l’a enfermée à son domicile pour la forcer à avoir des relations sexuelles à répétition avec ses amis lors de soirées « thématiques ». Ayant réussi à échapper à cette situation, Marthe demande l’asile à la frontière française. Après son audition par un officier de protection de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et des apatrides), le ministère de l’intérieur trouve étonnant que son ex-fiancé, « directeur d’une société américaine, ayant un certain niveau », ait abusé d’elle en réunion après s’être « bien comporté » jusqu’aux fiançailles.
Pas crédible. Demande d’asile rejetée.
Maryam est somalienne. Âgée d’à peine 15 ans, elle a entendu son père négocier son mariage avec un inconnu. Horrifiée par la perspective de cette union forcée, pratique courante des Al-Shabbaab en Somalie, elle s’est immédiatement enfuie à Djibouti avant de prendre un vol pour la France. Faute de remplir les conditions suffisantes pour entrer en Europe, Maryam est placée en zone d’attente et y demande l’asile. Après audition par un officier de protection, le ministère de l’intérieur trouve étrange que son père ait tenté de la marier à un si jeune âge.
Pas crédible. Demande d’asile rejetée.
Antonia est dominicaine. Son mari alcoolique se montrant de plus en plus violent à son égard, elle a préféré fuir pour éviter d’être tuée. Entre janvier 2008 et octobre 2014, les autorités de la République Dominicaine ont recensé plus de 1330 féminicides1, restés largement impunis. A son arrivée en France, Antonia demande l’asile à la frontière. Après audition par un officier de protection, le ministère de l’intérieur ne comprend pas pourquoi elle n’a « pas quitté son conjoint bien avant ».
Pas crédible. Demande d’asile rejetée.
Marthe, Maryam et Antonia2 ne sont pas des cas isolés. Leur situation est comparable à celle de nombreuses femmes maintenues en zone d’attente. Après avoir courageusement réussi à échapper à des violences dans leur pays d’origine, ces femmes voient leurs souffrances complètement niées par les autorités françaises et risquent d’être renvoyées dans leur pays. Femmes et étrangères, elles subissent ainsi une véritable double peine.
Louis, Intervenant Anafé, 2015
— –
1 Département d’Etat des Etats-Unis, 2014 Country Reports on Human Rights Practices – Dominican Republic, 25 juin 2015, disponible sur http://www.refworld.org/docid/559bd56f12.html
2 Marthe et Maryam ont fini par être placées en garde-à-vue, pour refus d’embarquement. L’Anafé est sans nouvelle de leur part depuis. Après avoir été refoulée, Antonia a expliqué à l’Anafé avoir très peur que son mari la retrouve.
Sur ces thèmes
Tribunes
Hommage à celles et ceux qui ont eu le courage de fuir : ne laissons pas notre idéal européen mourir aux frontières
Communiqués
Arrivées à Lampedusa – Solidarité et résistance face à la crise de l’accueil en Europe
Communiqués
Zone d’attente de Toulon : violations des droits des personnes sauvées par l’Ocean Viking
Communiqués