Brève 2014 – Un droit à l’asile pour les Syriens – Encore faudrait-il pouvoir entrer sur le territoire

Publié le 01 Oct 2015

Modifié le 20 Nov 2024



AsileTémoignages

Alors que, depuis 2011, la situation de guerre civile en Syrie ne connaît aucune avancée, les répercussions humanitaires sur la population civile sont désastreuses. Nombreuses sont les personnes en danger qui tentent de fuir par tous les moyens les combats entre les forces armées gouvernementales et les opposants, ainsi que le climat d’insécurité permanent qui règne dans le pays. Malgré cette situation d’urgence, et bien que la France soit signataire de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, il n’y a pas d’admission systématique sur le territoire français des ressortissants syriens se présentant à nos frontières. Si les autorités françaises se disent préoccupées par la situation en Syrie, arriver et entrer sur le territoire relève toujours du parcours du combattant, et ne sera qu’une première étape dans l’obtention – ou non – du statut de réfugié.

C’est sans doute après un long et dangereux périple que Mohammed est arrivé aux frontières françaises en février 2014, dont le vol Istanbul-Marseille a constitué l’ultime étape. Il laisse derrière lui sa femme et son enfant, qu’il espère faire venir plus tard. Un de ses proches étant demandeur d’asile en Norvège, il souhaite dès le départ se rendre dans ce pays pour y demander la protection des autorités suite au ravage de son pays et de sa ville de résidence. En Turquie, il se procure un faux passeport qui lui permet d’embarquer pour un vol dont il est persuadé que la destination finale est la Norvège. Interpellé par la police aux frontières (PAF) à son arrivée en France, Mohammed se voit notifier un refus d’entrée et une mesure de maintien en « zone d’attente »1. Tout comme des milliers d’étrangers non admis chaque année, il peut y être privé de liberté jusqu’à vingt jours et être renvoyé à tout moment de là où il vient. Pour se protéger de toute tentative de renvoi forcé, il aurait pu enregistrer une demande d’admission sur le territoire au titre de l’asile qui, dans l’hypothèse où elle n’aurait pas été considérée comme « manifestement infondée », lui aurait permis de pénétrer sur le territoire sous couvert d’un sauf-conduit. Cela lui aurait donné la possibilité d’enregistrer une demande d’asile en préfecture, ou éventuellement de poursuivre son voyage vers la Norvège.

Cependant, comme de nombreux Syriens dans la même situation, il ne souhaite pas demander la protection des autorités françaises – qui seraient responsables de sa demande d’asile au titre du règlement Dublin2 -, mais veut se rendre dans un autre Etat pour y rejoindre un proche. Malgré l’intervention de l’Anafé, qui l’informe sur ses droits et la procédure d’asile à la frontière, il hésite à enregistrer sa demande d’asile. Trois jours après son arrivée, il refuse d’embarquer dans un avion qui l’aurait ramené vers son pays de transit.

Mais le lendemain, il est refoulé vers la Turquie, où les conditions d’accueil des Syriens en fuite sont pourtant critiques3. Et ce, alors même qu’il avait fait part de son intention de demander l’asile dans les quelques heures qui ont précédé le vol. « Trop tard » sans doute…

Cette situation, loin d’être isolée, ne fait que révéler la vulnérabilité de personnes menacées dans leur pays d’origine. Elles se retrouvent souvent démunies et désorientées face au durcissement des conditions d’entrée et à la complexité des procédures d’asile aux frontières européennes. Cela questionne également les engagements internationaux des Etats membres de l’Union européenne à garantir une protection effective aux victimes de persécutions, trop souvent considérées comme constituant de potentiels « risques migratoires » sous prétexte d’un prétendu « appel d’air » et du mythe de « l’invasion » de l’Europe par les étrangers.

Droit d’asile donc, oui… mais pas trop.

Mikele, Intervenante Anafé, 2014

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1 Lorsqu’ils ne sont pas autorisés à entrer sur le territoire français, les étrangers qui se présentent aux frontières peuvent être maintenus dans une zone d’attente pendant une durée maximum de vingt jours, le temps pour la police aux frontières d’organiser leur renvoi.

2 Le règlement Dublin est un règlement adopté en 2003 par l’Union Européenne (appliqué également par la Norvège) qui permet de déterminer l’Etat membre responsable d’une demande d’asile selon la règle du « premier pays d’accueil » qui postule que l’étranger doit déposer sa demande d’asile dans le premier pays européen dans lequel il est entré.

3 Les Syriens ne peuvent pas faire enregistrer comme demandeurs d’asile en Turquie où ils ont un statut temporaire d’ « invités ». Certains d’entre eux se trouvent dans des camps à la frontière syrienne, dont la capacité reste insuffisante pour faire face à l’afflux massif de personnes. Voir à ce propos le rapport REMDH, « Réfugiés syriens en Turquie : le statut de l’incertitude », octobre 2011 ; les rapports annuels 2013 Amnesty International et Human Rights Watch sur la Turquie, section « réfugiés et demandeurs d’asile ».

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