Brève 2013 – Quand la défiance à outrance s’invite à nos frontières
Chaque année, de nombreux étrangers se voient refuser l’accès au territoire français. Parce que la police aux frontières (PAF) considère qu’ils ne remplissent pas les critères pour fouler le sol européen, ils peuvent être enfermés à la frontière pendant 20 jours (parfois 26 dans des cas exceptionnels), avant que la PAF ne décide de leur sort : poursuivre leur voyage ou être renvoyés vers leur dernier pays de transit. Cela concerne les adultes, les mineurs, les touristes, les migrants. Car à la frontière, ils sont tous suspects de vouloir contourner la loi.
Pourtant, avant d’être des « non admis » sur le territoire français, avant d’être enfermés en zone d’attente, avant d’être des numéros sur le listing des maintenus, il s’agit avant tout d’individus migrant pour des raisons qui devraient leur appartenir. Dans l’urgence, certains fuient des situations dangereuses et cherchent une protection, d’autres quittent des situations économiques difficiles en rêvant d’une vie digne, d’autres encore sont de simples voyageurs qui souhaitent parcourir le monde et explorer de nouveaux horizons.
C’est le cas de Henok et Kidane. Originaires d’Ethiopie, ils ont obtenu le statut de réfugiés en Israël en 2006. Ils vivent et travaillent actuellement à Tel-Aviv, où ils sont bien installés. En 2013, ils décident d’emménager au Canada. Ils prennent alors un vol qui les fait transiter par Addis-Abeba, capitale de l’Ethiopie, puis par Paris. C’est en arrivant à Roissy Charles de Gaulle que l’histoire se complique. La PAF intercepte le couple et leur interdit de poursuivre leur voyage : ils seraient en effet en possession d’un faux passeport. Non admis sur le territoire français, ils peuvent à tout moment être renvoyés vers leur pays de provenance, en l’occurrence l’Ethiopie, pays qu’ils ont fui parce qu’ils y étaient menacés de persécution. Devant ce potentiel renvoi dangereux, Henok et Kidane déposent une demande d’asile à la frontière… début d’une procédure semée d’embûches.
La première difficulté qu’ils rencontrent tient à la langue qu’ils parlent, l’amharique, seconde langue d’Ethiopie. Dans ce cas, la sollicitation d’un interprète s’impose. Pourtant, la PAF n’en trouvera pas et Henok et Kidane se verront notifier leurs droits en français, langue qu’ils ne comprennent pas. Suite à leur rencontre avec l’Anafé, ils parviennent – laborieusement – à enregistrer une demande d’asile auprès de la PAF. Ils sont ensuite auditionnés par un agent de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et des apatrides) qui doit déterminer si leur demande est manifestement fondée au regard de la Convention de Genève sur les réfugiés.
Au 5ème jour de leur maintien en zone d’attente : leur demande d’asile est rejetée !
Avec l’aide de l’Anafé, Henok et Kidane déposent immédiatement un recours devant le Tribunal administratif. L’audience dure une heure, la tension est palpable. Après une heure et demie de délibéré, le verdict tombe : la décision de rejet du ministère de l’intérieur est annulée, Henok et Kidane sont libérés, leur voyage peut enfin se poursuivre !
Leur parcours en zone d’attente, venu ainsi s’ajouter au périple migratoire initial, ne faisait absolument pas partie de leur projet. Ils en retiendront les nombreux contrôles de la PAF, la méfiance à l’égard de leur voyage, la suspicion vis-à-vis de leurs papiers… une jolie carte postale de la zone d’attente de l’aéroport Roissy Charles de Gaulle aux paysages de caméras de surveillance, de murs et de barbelés.
Henok, Kidane mais aussi tant d’autres qui tentent chaque année de franchir nos frontières ou de transiter par notre belle France, se seraient bien passés de l’expérience de l’enfermement en zone d’attente…
Lucie, Intervenante Anafé, 2013
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