Brève 2012 – Quand la Police aux frontières travaille contre le tourisme

Publié le 02 Juin 2014

Modifié le 20 Nov 2024



ContrôlesTémoignages

F-J C. est mexicain et a 28 ans. Il est arrivé le 20 janvier 2012 à Roissy afin de rendre une visite de 27 jours à sa soeur et son mari qui résident à Paris. Dispensé de visa puisque ressortissant du Mexique, il est descendu de l’avion avec son passeport en poche et 128 euros en numéraire. Ses vacances dans le « pays des droits de l’homme » s’annonçaient bien… Mais c’est avec stupeur qu’il apprend que la police aux frontières (PAF) lui refuse l’entrée sur le territoire français et va le placer en zone d’attente au motif qu’il ne disposerait pas de ressources ni de garanties de représentation suffisantes, compte tenu de la durée de son séjour.

Le 24 janvier, F-J C. est présenté devant le juge des libertés et de la détention (JLD). Quatre longues journées se sont écoulées depuis qu’il est arrivé en zone d’attente, son visage marqué en témoigne manifestement. Ces quatre jours constituent en effet le délai au terme duquel, en France, les étrangers maintenus à la frontière doivent être présentés devant le juge judiciaire, gardien des libertés individuelles, chargé de sanctionner les atteintes aux droits fondamentaux (accès à un médecin, un avocat, un interprète, un téléphone, de la nourriture…).

Ces quatre jours passés sous le contrôle exclusif de l’administration, peuvent d’ailleurs donner lieu à des tentatives de renvoi vers la dernière ville de provenance. C’est ainsi que la PAF a tenté de refouler F-J C. vers Mexico le 23 janvier. Mais celui-ci a refusé, ignorant probablement que ce refus d’embarquer constituait un délit, et qu’il s’exposait à un placement en garde à vue, potentiellement suivi d’une condamnation pénale et d’une interdiction du territoire français.

A l’audience du JLD, le lendemain, F-J C. est assisté d’un interprète et d’un avocat commis d’office. Sa soeur et son mari, sont présents dans la salle.

L’avocate de l’administration demande au juge de prolonger le maintien de F-J C. de huit jours afin de permettre son renvoi, estimant en effet qu’il ne dispose pas de documents de séjour ni de ressources et de garanties de représentation suffisantes pour pouvoir être admis sur le sol français.

Et pourtant, F-J C. est en possession d’un passeport, d’une assurance et d’un billet retour pour Mexico, ainsi que d’une réservation d’hôtel payée pour 27 nuits. Sa soeur produit une attestation bancaire faisant état d’une somme de 12 000 euros sur le compte de son frère, tandis que ce dernier présente la carte bancaire afférente au compte.

La juge, qui se décompose à mesure que l’absurdité de la situation devient de plus en plus patente, libère le maintenu sur le champ.

Préférant plaisanter plutôt que de laisser transparaître la consternation qui semble l’envahir, la juge se demande si F-J C., dont la réservation d’hôtel ne comprend pas les draps, va pouvoir, avec les 12 000 euros sur son compte, s’en payer une paire…

Finalement l’ironie fait place à un agacement certain et elle fait remarquer à la police aux frontières qu’il est scandaleux que ce jeune homme ait perdu quatre jours de vacances en zone d’attente et qu’il ait été amené à refuser un renvoi forcé, alors même qu’il aurait suffi que la police consulte avec lui le solde de son compte…

Et de nous demander alors dans quelle mesure la police aux frontières ne travaille pas tout simplement contre le tourisme… ?

Céline, Intervenante Anafé, Août 2012

Sur ces thèmes