Brève 2010 – Crédible… Vous avez dit crédible ?
Une personne maintenue en zone d’attente n’est pas encore sur le sol français. Ainsi, pour les demandeurs d’asile en zone d’attente, une procédure différente de celle en vigueur sur le territoire français est mise en place.
Les demandeurs d’asile à la frontière y sont maintenus « le temps strictement nécessaire à l’examen du caractère manifestement infondé » de leur demande. En théorie, cet examen ne devrait consister à vérifier que de façon sommaire si les motifs invoqués correspondent à un besoin de protection.
A la frontière, la procédure est dérogatoire, c’est un filtre préalable qui ne permet pas de se voir accorder le statut de réfugié, mais seulement d’être admis sur le territoire « au titre de l’asile ». Ainsi, si la personne parvient à entrer sur le territoire, il lui faudra déposer une demande d’asile en préfecture. Par ailleurs, dans environ 90% des cas, la procédure de demande d’asile en zone d’attente est bouclée en moins de 96 heures. Cette vitesse d’exécution est clairement le signe d’une procédure expéditive, touchant des personnes souvent démunies, exilées et encore fortement marquées par des traumatismes très récents, pour qui il est souvent difficile de s’exprimer.
Le cas de Christopher montre une fois encore les dérives de l’examen de l’asile à la frontière que l’Anafé dénonce depuis des années.
Christopher est Nigérian. En provenance de Dakar, le 5 octobre 2009 il est débarqué à Brest du navire sur lequel il avait embarqué un mois et demi plus tôt. Immédiatement placé en zone d’attente, il est transféré à Roissy le lendemain. Il sollicite l’asile à la frontière le 8 octobre au motif qu’il est recherché dans son pays pour avoir participé à des manifestations.
Christopher n’a que sa parole pour expliquer qu’il ne peut plus retourner dans son pays. Mais voilà, les mots ne suffisent pas et sa demande d’asile est rejetée. Il lui est reproché d’être confus, dénué de cohérence et de ne pas avoir su expliquer comment et pourquoi les autorités nigérianes pourraient s’en prendre à lui. Le verdict est clair : aucune menace crédible.
Comme le lui permet la loi, Christopher dépose un recours devant le Tribunal administratif de Paris contre cette décision du ministère de l’immigration, prise sur avis de l’OFPRA. Mais là encore, aucun crédit n’est accordé à sa parole puisque, le 19 octobre, le juge décide de confirmer la décision négative du ministère de l’immigration.
Christopher qui n’est alors plus considéré comme demandeur d’asile, peut être renvoyé à tout moment. Il dit craindre pour sa vie dans son pays, mais qu’importe ! La procédure d’asile est close et il faut désormais exécuter la décision de renvoi.
La PAF se met ainsi à organiser son retour vers le Nigeria.
Coup de théâtre ! La PAF qui est informée que Christopher est activement recherché par les autorités nigérianes décide alors d’annuler son renvoi qui l’exposerait à de trop grands risques. Rappelons que ni l’OFPRA, ni le ministère de l’immigration, ni le juge n’avait voulu croire à son histoire. Et pourtant Christopher le disait dès le début. Le ministère de l’immigration revient alors subitement sur sa décision et permet à Christopher d’entrer sur le territoire au titre de l’asile. Il aura fallu attendre que le danger auquel il était exposé soit avéré aux yeux de l’administration pour que sa parole devienne subitement crédible.
Laure, Intervenante Anafé, 2010
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