Brève 2010 – A l’aube du 12e jour
Originaire du Brésil, Regina est en transit pour l’Espagne. Elle se fait interpeller par la police aux frontières (PAF) le 27 juillet 2010, à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, et n’est pas autorisée à pénétrer sur le territoire européen.
Forte et fragile à la fois, c’est depuis plus de 3 ans une femme dont l’état civil masculin n’est que le vestige d’une vie antérieure.
Une femme, qui, à son arrivée au poste de police, est fouillée intégralement par deux agents masculins de la PAF, et ce « dans la plus stricte légalité » au regard de son état civil masculin [1]. Regina est offensée. Elle dénonce un traitement dégradant, dénigrant et discriminatoire en raison de sa condition de transsexuelle.
Placée au lieu d’hébergement de la zone d’attente (ZAPI 3) le temps de l’organisation de son renvoi vers le Brésil, Regina dépose une demande d’admission sur le territoire au titre de l’asile. Après le rejet de celle-ci par le ministère de l’intérieur, son renvoi vers Sao Paulo est prévu le 31 juillet.
Mais il n’aura pas lieu à la date indiquée.
Regina déclare avoir été victime ce même jour d’un viol en zone d’attente, perpétré par un autre maintenu, qui demandera à être renvoyé dans son pays d’origine le soir même des faits.
Dévastée, Regina se confie à une médiatrice de la Croix-Rouge, puis au médecin de la zone d’attente, et porte plainte auprès de la PAF contre son agresseur présumé le 1e août.
Une enquête est ouverte, et dans le même temps commence le suivi médical de Regina, via l’unité médico judiciaire de l’hôpital Jean Verdier, dont les rendez-vous, notamment avec un psychologue, s’étendent jusqu’au mois de septembre.
Regina est sous tranquillisants. Prostrée et apeurée, elle s’enferme dans sa chambre en zone d’attente. Son renvoi vers le Brésil est suspendu le temps de l’enquête. Pour autant il n’est pas mis fin à son maintien. Malgré le traumatisme allégué, les autorités ne semblent pas envisager de reconsidérer le refus d’entrée sur le territoire français prononcé à l’encontre de Regina.
Seul le juge des libertés et de la détention (JLD), en tant que gardien des libertés individuelles, est à même de la libérer et de l’admettre sur le territoire où elle pourrait être prise en charge au niveau médical et psychologique.
Mais Regina n’aura pas l’occasion de faire valoir ses droits devant le juge judiciaire. La veille de son second passage devant le JLD, soit le 11e jour de son maintien, elle est discrètement renvoyée au Brésil par la police aux frontières, par le vol de 23h30.
En 6 jours, la procédure ouverte pour viol aura été classée sans suite par le Parquet et le réacheminement de Regina organisé sans délai, loin du regard judiciaire, qui n’aura donc jamais eu vent de cette affaire, dont l’épilogue est pour le moins effrayant.
Le renvoi forcé de Regina témoigne ainsi de l’efficacité du travail de l’administration, quitte à lui causer un traumatisme supplémentaire, et à nier sa qualité de victime.
Un point final loin d’apporter un début de réponse à la problématique du traitement et des conditions de maintien des transsexuels en zone d’attente.
Brigitte, Intervenante Anafé, 2010
[1] La loi prévoit que les fouilles à corps doivent être pratiquées par des agents de même sexe que les personnes maintenues.
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