Zone d’attente de Marseille – Loin des débats sur l’accueil des exilés : enfermement et renvoi par cargo d’un mineur irakien réfugié en Syrie vers la Turquie
Communiqué
A Marseille, un mineur isolé irakien réfugié en Syrie a récemment été privé de liberté à son arrivée à la frontière et renvoyé par cargo en Turquie au bout de quatre jours.
En pleine « crise migratoire », la France veut faire bonne figure en « accueillant » quelques milliers de réfugiés de Syrie [1]. Mais sur le terrain, sur son sol comme à ses frontières, la France viole les droits fondamentaux des migrants, y compris les droits de l’enfant.
Loin d’être un cas isolé, cet enfermement d’un mineur démontre une fois encore qu’il s’agit bien d’une politique sourde à toutes les normes de protection du droit interne et international, à la jurisprudence européenne, et aux recommandations des instances de protection des droits de l’Homme [2].
Twana est un jeune Irakien de 17 ans réfugié en Syrie. Il est parvenu à rejoindre la Turquie et à monter à bord d’un cargo de marchandises. A son arrivée à Toulon le 16 septembre, sans document d’identité, il déclare être mineur et vouloir aller en Angleterre rejoindre un proche. Il est transféré en zone d’attente de Marseille, lieu de privation de liberté, où il demande l’asile.
Dans un premier temps, il est considéré comme mineur et un administrateur ad hoc (AAH) est désigné pour le représenter.
Le problème ? Il n’a aucun document d’identité. Alors dès le lendemain, un test osseux pratiqué sans son consentement conclut qu’il aurait 19 ans et l’AAH est dessaisi. Rappelons que tant la fiabilité de cette pratique de détermination de l’âge que son usage sont largement contestés [3]. Ce faisant, l’administration française décide encore une fois d’ignorer le principe, rappelé par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, selon lequel le bénéfice du doute doit être accordé à celui qui se déclare mineur tant que la preuve irréfutable de sa majorité n’est pas rapportée.
En conséquence, Twana a été entendu le 18 septembre par l’OFPRA [4], dans le cadre de sa demande d’asile, sans l’assistance d’un AAH. C’est dans ces conditions qu’il aurait retiré sa demande et émis le souhait d’aller en Angleterre. Le jour-même, très perturbé et pris de violentes douleurs au ventre, Twana a dû être conduit aux urgences.
L’acharnement contre ce jeune continue. Dimanche 20 septembre, le juge des libertés et de la détention décide en quelques minutes à peine de prolonger le maintien de Twana en zone d’attente en vue de son renvoi vers son pays de provenance. Le juge balaye ainsi les arguments de son avocat, qui invoquait pourtant des irrégularités de procédure et le risque de renvoyer un mineur en Turquie, où il serait en danger [5]. On reproche à un enfant de ne prouver ni son âge, ni le manque de fiabilité du test osseux ! A peine rentré du tribunal, Twana a été mis sur un cargo pour la Turquie, où il risque d’être arrêté pour avoir voyagé sans document. L’Anafé est aujourd’hui sans nouvelle de Twana.
En juillet dernier, le Comité des droits de l’homme de l’ONU dans son examen périodique de la France demandait d’ « interdire toute privation de liberté pour les mineurs en zones de transit et dans tous les lieux de rétention administrative en Métropole et en Outre-mer » et de « s’assurer que les mineurs isolés étrangers reçoivent une protection judiciaire et le soutien de l’aide sociale à l’enfance ». Le droit et la pratique ignorent ces prescriptions.
Des situations comme celle de Twana doivent cesser. L’Anafé persiste dans cette revendication et demande [6] que soit immédiatement et définitivement mis fin à l’enfermement de tous les mineurs étrangers aux frontières, qu’ils soient isolés ou accompagnés, demandeurs d’asile ou non.
[1] [Action collective] Lettre ouverte au Président de la République sur l’accueil des réfugiés et des migrants en France et en Europe : http://www.anafe.org/spip.php?article307
[2] Notamment le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, le Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies, le Conseil de l’Europe et au niveau national, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme et le Défenseur des Droits.
[3] L’expertise osseuse est un outil approximatif contesté par la communauté scientifique au vu de sa marge d’erreur et qui ne prend pas en compte l’histoire, l’origine et l’environnement du mineur. Le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe constatait par ailleurs dans son rapport sur les respects effectif des droits de l’homme en France en 2006 que les mineurs isolés étrangers sont « quasiment systématiquement considérés comme des fraudeurs » et que les examens osseux sont des « techniques inadaptées ». Au niveau national, le Défenseur des Droits, a estimé en 2012 que les tests d’âge osseux ne peuvent servir de seul fondement à la détermination de l’âge d’un mineur isolé étranger.
[4] Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides.
[5] Risque d’être arrêté pour avoir voyagé sans document, risque d’être en situation irrégulière et des conditions de vie s’annoncent particulièrement difficiles au vu du contexte en Turquie.
[6] [Action collective] Tribune – Mediapart : Stop à l’enfermement des mineurs en zone d’attente ! : http://www.anafe.org/spip.php?article303
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