Note d’analyse : Délocalisation des audiences à Roissy – Une justice d’exception en zone d’attente
Quelle justice pour les étrangers ? C’est la question que pose le développement de dispositifs visant à empêcher les personnes étrangères privées de liberté – considérées comme indésirables – d’avoir un accès au juge respectueux de leurs droits.
Pour les soustraire au regard de la société civile, c’est une véritable justice d’exception qui est ainsi organisée depuis le début des années 2000, comme avec des tribunaux délocalisés au sein de lieux d’enfermement. L’annexe du tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny délocalisée dans la zone d’attente de Roissy en est un exemple.
La délocalisation dans la zone aéroportuaire de Roissy a d’abord été justifiée principalement par la réduction des coûts que cela engendrerait pour l’Etat. Cependant, cet argument est rapidement apparu illusoire. En effet, la mission commandée par le ministère de la justice et relative à la mise en place de l’annexe du TGI de Bobigny a indiqué, dans son rapport du 17 décembre 2013, qu’il s’agissait d’un « simple transfert de charge entre le ministère de l’intérieur et celui de la justice avec un résultat probablement très négatif pour le budget global de l’Etat » . L’argument principal alors avancé dès 2016 est celui de l’amélioration des conditions parfois peu respectueuses de la dignité des personnes dans lesquelles se déroulaient les transferts et les audiences au TGI de Bobigny. Prétexte fallacieux. Si des aménagements – cosmétiques – ont été réalisés en 2014 et 2017, les conditions de déroulement des audiences restent contraires au droit conventionnel et au droit interne, et portent atteinte à la dignité de la personne humaine, ainsi qu’à la clarté, la sécurité, la sincérité et la publicité des débats.
L’Anafé dénonce ainsi le fait que cette annexe délocalisée en zone d’attente – où la police aux frontières a pour seul objectif le maintien en zone d’attente pour l’organisation du réacheminement – renvoie une mauvaise image de la justice.
Cette note a été réalisée à partir de 35 comptes-rendus d’observations d’audiences réalisées par des militants de l’Anafé et d’autres associations. Ces observations regroupent les audiences test des 4 juillet, 14 septembre et 18 octobre, l’audience d’ouverture du 26 octobre 2017 et 31 autres audiences depuis l’ouverture jusque début juillet 2018.
L’Anafé fait le constat, près de 8 mois après l’ouverture de l’annexe du TGI de Bobigny, de la persistance de nombreux obstacles au respect des droits, déjà constatés au TGI de Bobigny.
Il s’agit ainsi d’une illustration concrète des dysfonctionnements de ladite annexe située dans l’enceinte de la zone d’attente de Roissy. Et les constats d’atteintes quotidiennes aux droits et à la dignité des personnes viennent contredire les conclusions de la Cour de cassation du 11 juillet 2018.
En conséquence, l’Anafé demande :
La fermeture de l’annexe du TGI de Bobigny, afin que soient respectés les principes fondamentaux du droit au procès équitable ;
L’intervention du JLD au minimum 48 heures après le placement en zone d’attente, afin de garantir un accès au juge à toutes les personnes maintenues, ainsi que le respect de leurs droits ;
L’amélioration des conditions de déroulement des audiences au TGI de Bobigny et dans l’ensemble des tribunaux, afin que ces conditions permettent le respect de la dignité des personnes et le droit à un procès équitable ;
La mise en place d’une permanence d’avocats gratuite dans toutes les zones d’attente, afin d’assurer un accès aux droits pour les personnes maintenues aux frontières.
Sur ces thèmes
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