Exercer le droit de regard des associations

Un peu d’histoire

L’accès des associations dans les zones d’attente ou dans tout lieu d’enfermement aux frontières est une des principales revendications de l’Anafé depuis sa création en 1989. La loi Quilès de 1992 n’a que très partiellement répondu à cette revendication : ce droit d’accès concernait initialement le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et quelques associations. 

Une étape a été franchie avec la publication du décret du 2 mai 1995 déterminant les conditions d’accès du délégué du HCR et des associations humanitaires (désormais articles R. 343-18 et suivants du CESEDA). Ce décret encadrait fortement ces visites : chaque association disposait de dix cartes de visite mais ne pouvait effectuer plus de huit visites par an et par zone d’attente. Le décret prévoyait également un maximum de deux personnes par visite, des horaires de visite (entre 8h et 20h) et l’obligation de solliciter une autorisation préalable du ministère de l’intérieur. Cet accès était insatisfaisant également parce que restreint à un nombre limité d’associations (Amnesty International Section Française, Anafé, La Cimade, Forum réfugiés, France Terre d’asile, le MRAP, la Croix-Rouge française et Médecins sans frontières). 

Le gouvernement a modifié le 30 mai 2005 le décret du 2 mai 1995. Ce texte a notamment supprimé l’obligation de se soumettre à des horaires pour les visites. Le 28 décembre 2005, le Conseil d’État a censuré les refus du ministère de l’intérieur d’habiliter d’autres associations (APSR, Groupe Accueil Solidarité, GISTI, Ligue des droits de l’Homme, Médecins du Monde). Un arrêté daté du 30 mai 2006 a élargi l’habilitation à treize associations : l’Anafé et neuf de ses membres à l’époque (APSR, Amnesty International France, La Cimade, France Terre d’asile, Forum réfugiés, GAS, GISTI, LDH, MRAP) ainsi que trois associations non membres de l’Anafé (Croix-Rouge française, MSF, MDM). 

En parallèle, plusieurs autres acteurs ont obtenu un accès aux zones d’attente. Parmi eux, l’autorité judiciaire, en tant que gardienne des libertés individuelles et donc autorité de contrôle des zones d’attente, les parlementaires (depuis 2000), la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté et la Défenseure des droits (depuis 2007), les journalistes (depuis 2015) et les bâtonniers (depuis 2021). 

La convention ZAPI

En 2004, une première convention de six mois a établi un accès permanent de l’Anafé dans la zone d’attente de Roissy, convention renouvelée depuis. L’Anafé a ainsi la possibilité de se rendre dans le lieu d’hébergement de la zone d’attente de Roissy (appelé ZAPI) pour réaliser des permanences juridiques et faire des visites des aérogares de l’aéroport jusqu’à quatre fois par semaine. Cette convention est néanmoins limitée à 20 habilitations. Il s’agit d’une convention à titre gratuit, c’est-à-dire que l’Anafé n’obtient pas de financement de la part de l’État pour assurer cette mission.

Des atteintes au droit de regard

L’accès aux zones d’attente est souvent entravé par des restrictions administratives ou des décisions des forces de l’ordre présentes. L’Anafé a été empêchée à plusieurs reprises de visiter certaines zones d’attente. Par exemple, en 2011, le ministère de l’intérieur a suspendu le renouvellement de la carte d’une visiteuse de l’association. Le tribunal administratif a néanmoins condamné cette décision et a contraint le ministère à délivrer un agrément provisoire. 

Depuis 2018, l’Anafé constate que le droit de regard des associations est régulièrement malmené. En principe, le seul motif qui peut justifier un refus d’accès à une personne visiteuse est d’ordre public, la visite ne devant « pas entraver le fonctionnement de la zone d’attente » (article R. 223-1 du CESEDA). Cependant, la police aux frontières ou la douane opposent parfois différents arguments pour refuser une visite : pas de zone d’attente existante malgré un arrêté de création, association inconnue ou non habilitée, heure tardive, absence de volonté du fonctionnaire de réaliser la visite, pas d’annonce préalable de la visite. Il arrive aussi que les policiers interrompent une visite, sans justification. 

Un droit nécessaire qui doit être protégé et renforcé

La possibilité d’accéder et de visiter les zones d’attente permet de comprendre leur fonctionnement, de recueillir des informations sur l’exercice effectif des droits des personnes étrangères, de faire connaître les conditions de leur enfermement, de témoigner des violations des droits et de jouer un rôle d’alerte et de défense des droits. 

Ce droit : 

L’Anafé milite donc pour l’application et l’extension de ce droit fréquemment menacé. Pour garantir la transparence des lieux d’enfermement, il est nécessaire que le droit d’accès des associations soit garanti et sans restriction. 

Lire aussi : la plateforme de revendications de l’OEE, Pour un droit d’accès associatif dans les lieux d’enfermement des étrangers.

Les associations habilitées

Dans le cadre de l’arrêté du 3 août 2022 portant habilitation d’une association à proposer des représentants en vue d’accéder en zone d’attente (valable pour une période de 3 ans à compter du 30 août 2022) :

  • Association française de soutien à Human Rights Watch. 

Dans le cadre de l’arrêté du 12 juin 2024 fixant la liste des associations humanitaires habilitées à proposer des représentants en vue d’accéder aux zones d’attente :

  • L’Association nationale d’assistance aux frontières pour les personnes étrangères (Anafé) ;
  • Amnesty International France,
  • La Cimade, service œcuménique d’entraide,
  • La Croix-Rouge française,
  • Forum Réfugiés,
  • La Ligue des droits de l’Homme (LDH),
  • Groupe accueil et solidarité (GAS),
  • Le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI),
  • Le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP),
  • France terre d’asile (FTDA). 

Cette habilitation est valable pour une durée de trois ans, à compter du 9 juin 2024. 

Crédit photo bandeau : Anafé