Les politiques migratoires françaises enferment les femmes dans une précarité économique et sociale propice aux violences sexuelles
Des personnalités parmi lesquelles les responsables des principales associations d’aide aux femmes exilées dénoncent, dans une tribune au « Monde », les conditions d’accueil qui leur sont faites et exhortent les politiques à leur garantir un accès réel à la santé et aux droits fondamentaux.
A l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes [le 25 novembre], nos associations constatent l’invisibilisation des violences vécues par les femmes exilées. Pourtant, elles vivent un continuum de violences de genre spécifiques tout au long de leur parcours migratoire et depuis leur arrivée en France.
Ce continuum met en évidence que ces violences ne s’arrêtent pas aux frontières, mais se prolongent et s’aggravent, impactant la santé physique, mentale, sexuelle et reproductive des femmes exilées. Ces violences demeurent invisibilisées par des politiques dites « pro-égalité de genre », qui ignorent trop souvent la réalité des violences spécifiques connues par les femmes exilées.
Plus de 90 % des femmes qui traversent la Méditerranée ont été victimes de viol, et la moitié des cadavres retrouvés sont des femmes. Les femmes exilées connaissent des violences sexistes et sexuelles qui jalonnent leurs trajectoires migratoires.
La rue abîme, blesse et tue
Ces violences les poussent à l’émigration : violences conjugales, intrafamiliales, politiques, mariages forcés, mutilations sexuelles féminines, apartheid de genre, discriminations sexospécifiques. Ces violences les poursuivent dans les traversées des frontières, dans les camps aux frontières de l’Europe et dans les pays de transit. A mesure que les politiques migratoires se durcissent, les routes deviennent toujours plus dangereuses.
Une fois arrivées en France, les politiques migratoires françaises de non-accueil enferment les femmes dans une précarité économique et sociale propice aux violences sexuelles. Au bout de un an, 100 % des femmes sans abri sont victimes d’un viol – la rue abîme, blesse et tue. Quand elles ne sont pas à la rue, elles sont à risque de vivre des violences sexuelles pour obtenir un hébergement. Elles vivent de plein fouet des violences administratives et institutionnelles : racisme, disqualification des récits, isolement social et linguistique…
Quand elles tentent de se faire soigner en France, les femmes exilées subissent des violences médicales spécifiques, légitimées par les politiques migratoires – refus de soins des femmes ne disposant pas de couverture sociale ou de l’aide médicale d’Etat (AME), minimisation des douleurs, absence d’interprétariat empêchant un consentement éclairé.
Effets des violences genrées sur la santé des femmes exilées
Les besoins en santé des femmes exilées sont pourtant très importants. Les violences vécues tout au long du parcours migratoire ont des effets majeurs sur leur santé physique, mentale, sexuelle et reproductive : séquelles physiques, grossesses non désirées, infections sexuellement transmissibles, stress post-traumatique, dépressions, pensées suicidaires. Du fait de ces violences genrées, les femmes exilées arrivent en France avec un état de santé déjà dégradé.
Dans un contexte de précarité administrative, liée à l’absence du statut légal sur le territoire, plus la durée de présence en France s’allonge, plus l’état de santé des femmes exilées se dégrade : 30 % des mères hébergées par le Samu social souffrent de dépression, et 40 % des contaminations au VIH chez les personnes exilées surviennent après l’arrivée en France. En santé périnatale, la mortalité maternelle est plus élevée parmi les femmes nées à l’étranger, et cette surmortalité est trois fois plus élevée pour les femmes nées dans un pays d’Afrique subsaharienne. Ces dernières ont aussi deux fois plus de risques que leur enfant décède dans l’année de sa naissance.
Les associations exhortent les politiques à :
– Rendre visible et reconnaître les violences vécues par les femmes exilées. Parce que rendre l’indicible visible est déjà une forme de justice, nous demandons que les violences vécues par les femmes exilées soient pleinement reconnues afin de garantir leur protection et ainsi rompre le continuum des violences en France.
Par ailleurs, les luttes féministes doivent reconnaître que l’exil est un enjeu central des violences de genre et considérer les femmes exilées comme actrices des luttes pour les droits de toutes les femmes.
Des réponses adaptées
– Garantir un accès réel à la santé et aux droits fondamentaux. En restreignant les libertés fondamentales, les politiques migratoires participent directement aux violences faites aux femmes exilées et en aggravent les effets. Se donner les moyens de garantir leurs droits passe par un changement effectif de ces politiques répressives qui entravent l’accès à la santé, à l’interprétariat, à l’hébergement, à l’emploi, à la dignité.
Les femmes exilées ne doivent plus être reléguées à la périphérie des politiques publiques : leurs besoins spécifiques exigent des réponses politiques et de santé adaptées. Parce qu’elles vivent un continuum de violences, elles doivent pouvoir bénéficier d’une prise en soin globale adaptée.
La santé est un droit fondamental pour toutes les personnes présentes sur le territoire. Dans un contexte où les politiques menacent de supprimer l’AME, nous réaffirmerons la nécessité de la préserver : elle ne saurait devenir un outil de marchandage politique. Le respect des droits fondamentaux, notamment le droit à la santé et aux droits sexuels et reproductifs, est une condition indispensable pour rompre le cycle des violences.
– Soutenir d’urgence les associations. Les associations qui accompagnent les femmes exilées sont aujourd’hui en danger, asphyxiées par les baisses drastiques de financements alors même que les besoins explosent. Nous appelons les pouvoirs publics et citoyens à un soutien urgent du secteur associatif pour garantir la continuité des soins et de l’accompagnement.
Retrouvez la liste des signataires ici.
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