La France enferme un journaliste russe à ses frontières et menace de le renvoyer en Serbie

Publié le 10 Mai 2022

Modifié le 17 Sep 2024



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Après 9 jours d’angoisse dans les couloirs de la zone d’attente de Roissy, Anton, journaliste russe, demandeur d’asile, a été libéré par le tribunal administratif de Paris qui l’a admis sur le territoire français.

Anton est journaliste pour un média russe qui n’est plus accessible en Russie depuis le 6 mars 2022 et dont le fondateur est réfugié en France depuis peu. A ce titre, il a couvert de nombreux papiers liés à la corruption et a traité des sujets sur l’invasion russe en Ukraine. Il a été convoqué par la police russe pour «  diffusion publique d’informations délibérément fausses sur l’utilisation des forces armées de la Fédération de Russie   ».

Pour rappel, depuis l’invasion de l’Ukraine, la répression des journalistes indépendants en Russie a été renforcée avec l’adoption, en mars, d’une loi permettant de criminaliser le partage de « fausses informations » portant sur les activités des forces armées russes ou « discréditant » les troupes russes. Les peines encourues peuvent aller jusqu’à 15 ans de prison.

Le 25 mars 2022, Anton a fait une demande de visa auprès des autorités françaises. Celles-ci avaient refusé de le lui délivrer car il constituait un « risque migratoire  » en raison de «  conditions de séjour douteuses  ».

Anton est arrivé à l’aéroport de Roissy le 17 avril 2022, en provenance de Belgrade (Serbie). Il a immédiatement demandé l’asile. Mais il s’est vu refuser l’accès au territoire français car il était dépourvu de visa Schengen.

«  Comment un journaliste dénonçant la politique du gouvernement russe peut-il se voir refuser un visa pour la France, particulièrement à l’heure actuelle  ? Une fois arrivé aux frontières françaises, sa demande d’asile a été rejetée par les autorités compétentes. Et pour pouvoir plus facilement le renvoyer, l’administration française l’a enfermé pendant 9 jours dans la zone d’attente de Roissy. Le devoir légal et moral de protection internationale a été dévoyé par les autorités françaises au profit d’une notion absurde qu’est le risque migratoire. », déclare Alexandre Moreau, Président de l’Anafé.

Malgré les différentes preuves présentées pour justifier de sa qualité de journaliste ayant couvert la guerre en Ukraine, l’OFPRA et le ministère de l’intérieur ont refusé de faire droit à sa demande d’admission sur le territoire au titre de l’asile, en raison notamment du fait qu’il rédigeait ses articles de façon anonyme et qu’il occupait un autre emploi en parallèle.

Anton a saisi le tribunal administratif de Paris pour contester la décision du ministère de l’intérieur. Le tribunal l’a libéré le 26 avril 2022, considérant que sa demande d’asile n’était pas dénuée de fondement. Il va désormais pouvoir poursuivre la procédure de demande d’asile dans de bonnes conditions à l’OFPRA, et non pas dans l’urgence, enfermé en zone d’attente.

«  Je suis évidemment soulagé de la décision rendue par le tribunal qui permettra à Anton de présenter une demande d’asile dans le cadre d’une procédure lui garantissant ses droits et lui permettant d’expliquer convenablement l’étendue de son activisme et de ses craintes à l’OFPRA. Néanmoins cette situation démontre encore, s’il le fallait, les dangers des procédures pour demander l’asile aux frontières, faites-en urgence, dans un cadre procédural peu protecteur et ne permettant pas à une personne en état de vulnérabilité et venant d’arriver en France de bénéficier d’une présomption de bonne foi. Combien de dossiers similaires ont, ou feront, malheureusement l’objet d’autres rejets qui ne seront pas rattrapés par le tribunal ? », interroge Me Patrick Berdugo, avocat d’Anton.

Conformément aux engagements qu’elle a pris pour protéger les personnes fuyant la guerre en Ukraine et les opposants russes à cette guerre, la France doit permettre à ces personnes d’accéder de manière sure aux territoires français et européen et de les accueillir dignement.

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