Des conditions inacceptables de rétention à Mayotte poussent le contrôleur général des lieux de privation de liberté à dépêcher une mission sur place

Publié le 19 Déc 2008

Modifié le 30 Oct 2024



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Anticipant la diffusion (« une » de Libération daté du 18/12/2008 et Amnesty international) d’une vidéo tournée dans le centre de rétention administrative (CRA) de Pamandzi, qui donne un aperçu des conditions « indignes de la République » dans ce lieu d’enfermement des étrangers en instance d’éloignement, le collectif Migrants Outre-mer (Mom) a saisi en urgence, le 17décembre au soir, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue. Dans un courriel adressé au Mom le 18 décembre au matin, le contrôleur général répond :

« La situation du centre de rétention de Pamandzi est préoccupante et les informations que vous me donnez, comme d’ailleurs d’autres sources concordantes, sont alarmantes. Faute de pouvoir se rendre ces mois derniers sur place, le contrôle général a recueilli des informations de la Défenseure des enfants, qui s’est rendue à Mayotte au mois d’octobre, en particulier dans ce centre. Dès que possible, le contrôle général dépêchera sur place une mission pour procéder à une analyse approfondie de la situation et faire les recommandations qui s’imposent ».

Depuis 2006, il y a autour de 16 000 reconduites à la frontière par an, mineurs compris, à partir de Mayotte – pour une population de 187 000 habitants. Ce chiffre impressionnant ne saurait être atteint sans violations des droits de l’homme. C’est notamment le cas des conditions de maintien dans ce centre, qui portent atteinte à la dignité de la personne humaine et aux droits de l’enfant. En témoignent de façon manifeste les images du CRA, qui laissent voir en outre que la porte de la salle réservée aux hommes est verrouillée – au mépris des règles de sécurité les plus élémentaires, ainsi que du droit de circuler librement dans l’enceinte des CRA et d’avoir accès librement au téléphone.

Il n’existe pas d’alternative à la fermeture immédiate du CRA de Pamandzi, où les étrangers sont soumis à des conditions contraires aux obligations du Pacte international sur les droits civils et politique, de la Convention internationale des droits de l’enfant et de la Convention européenne des droits de l’homme.

La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), qui s’est rendue sur place en janvier 2008, estimait déjà dans son avis du 14 avril 2008 que le centre de rétention administrative de Mayotte est « indigne de la République ». L’avis de la CNDS rappelait que la capacité théorique de 60 places « doit être respectée » ; or, dans la vidéo mise en ligne par Libération et Amnesty international, le tableau des présents ce jour d’octobre 2008 indique « 212 personnes dont 111 hommes, 45 femmes, 28 enfants de plus de 2 ans, 13 de moins de 2 ans et 5 gardés à vue » (alors que ce n’est pas un local de garde à vue). La CNDS décrivait des personnes entassées sur de « pauvres nattes » ou matelas à même un sol de « béton brut dégradé », ce que cette vidéo rend désormais visible par tous. Elle recommandait « instamment » qu’un règlement intérieur soit établi et respecté ; aux dernières informations, un tel règlement n’a toujours pas été affiché.

Selon des informations complémentaires recueillies par Mom, la PAF aurait, il y a quelques mois, fait usage de gaz lacrymogènes pour calmer le mécontentement des étrangers maintenus qui, alors qu’une pidémie de gale affectait le centre, protestaient de n’avoir reçu aucun soin, et ce sans qu’aucune précaution ait été prise à l’égard des nombreux enfants présents.

Des témoignages attestent également que des étrangers maintenus dans le CRA de Pamandzi ne seraient, comme le prévoit la loi, informés de leurs droits ni au cours de la procédure de vérification d’identité (pourtant plus longue à Mayotte qu’en métropole) ni pendant la garde à vue, mais plusieurs heures après le début de la rétention. Si ces faits étaient confirmés, ces étrangers seraient soumis à une privation arbitraire de liberté contraire à la Déclaration des droits de l’homme et à l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. On rapporte même que, dans certains cas, les procédures seraient établies après le renvoi des étrangers.

La Défenseure des enfants a également été alertée par la Cimade sur la situation d’enfants isolés au sein du CRA. Dans son rapport rendu à l’issue d’une visite sur l’île les 6 et 7 octobre 2008, elle souligne que « les enfants, qui n’ont pas commis d’infraction, n’ont pas à être placés dans un lieu privatif de liberté. » La Défenseure des enfants précise qu’entre le 1er janvier et début octobre, « 12 994 personnes ont été reconduites dont 2 194 enfants, étant précisé que 628 d’entre eux avaient moins de 2 ans. (…) [L]es associations ont rappelé leur inquiétude quant aux mineurs reconduits à la frontière après avoir été déclarés majeurs dans le procès-verbal de l’agent interpellateur. Certaines situations ont ainsi été évoquées, témoignant de cette pratique consistant à inscrire les mineurs comme étant nés le 1er janvier de l’année permettant de fixer leur majorité (en 2008, tous les mineurs sont inscrits avec la date de naissance du 01/01/90) ». Dans son avis, la CNDS insistait aussi sur le fait que : « Les conditions de vie au centre de rétention administrative de Mayotte portent gravement atteinte à la dignité des mineurs retenus ».

Le Commissaire aux Droits de l’homme du Conseil de l’Europe, qui a effectué une visite en France en mai 2008, a appelé les autorités françaises « à ce que les droits de l’homme et la dignité humaine soient respectés dans l’ensemble des centres de rétention et que les conditions de vie offertes aux étrangers retenus à Mayotte soient immédiatement améliorées ».

Dans un communiqué du 18 décembre 2008, Amnesty international demande également aux autorités françaises de mettre un terme aux conditions de rétention indignes et inhumaines.

Le collectif Mom saisit les autorités judiciaires et les invite à se transporter sur place comme la loi le leur permet. Il a l’intention de saisir le Commissaire aux Droits de l’homme du Conseil de l’Europe et le Comité de prévention de la torture. Il tiendra informés le président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (via des parlementaires), la Défenseure des enfants et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

18 décembre 2008

Collectif mom

C/o Gisti, 3 villa Marcès, 75011 Paris

ADDE (avocats pour la défense des droits des étrangers), AIDES, Anafé (association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers), CCFD (comité catholique contre la faim et pour le développement), Cimade (service œcuménique d’entraide), Collectif Haïti de France, Comede (comité médical pour les exilés), Gisti (groupe d’information et de soutien des immigrés), Elena (les avocats pour le droit d’asile), Ligue des droits de l’homme, Médecins du monde, Secours Catholique / Caritas France

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