Brève 2019 – La zone d’attente, un terrain de jeux ?

Publié le 17 Mai 2022

Modifié le 20 Nov 2024



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Il est aux alentours de 9 heures du matin lorsqu’un enfant âgé d’un an et demi joue dans le hall de la cour d’appel de Paris. Lui et sa mère vont bientôt connaître le sort que leur réserve le juge d’appel : une libération sur le territoire français ou une prolongation de leur maintien en ZAPI de Roissy. Seuls sans le père de l’enfant, sa mère est également en attente de la décision du ministre de l’intérieur sur le « bien-fondé » de sa demande d’asile. En attendant, il joue au milieu des agents en uniformes.

Le déroulement de l’audience va révéler un manque d’humanité chez ses différents acteurs. Pour l’avocat de l’administration, la ZAPI est un lieu sûr et adapté pour un jeune enfant d’un an et demi. La Croix-Rouge y serait présente pour apporter tout ce qui est « nécessaire » à l’enfant.

Le juge judiciaire quant à lui, gardien des libertés individuelles, ne semble pas considérer l’enfant comme un individu. Il reste sourd aux arguments de l’avocat de la famille sur les conditions de maintien en ZAPI et se concentre sur les intentions de la mère. A l’appel à l’aide lancé par celle-ci sur le fait qu’elle risque sa vie dans son pays, il lui assène qu’elle a un comportement frauduleux et qu’elle utilise « son enfant comme moyen pour pouvoir rester sur le territoire ».

En même temps que le juge prononce ces paroles, l’avocat de l’administration s’amuse à jouer avec l’enfant, celui-là même pour lequel il demande la prolongation de l’enfermement. Il conclue sa plaidoirie en disant que la zone d’attente est « lieu sûr et pas malsain » pour les enfants.

Quelques minutes plus tard, l’audience est suspendue. Ce sera un maintien en ZAPI pour le bébé et sa mère.

Le juge ne devrait-il pourtant pas, en vertu des engagements internationaux de la France, placer l’intérêt supérieur de l’enfant comme une considération primordiale, au lieu de l’occulter ?

En zone d’attente, la privation de liberté des mineurs continue d’être pratiquée en violation de ce principe de droit international, que les juridictions peinent à appliquer. Elles y substituent la notion de fraude, diabolisant ainsi les personnes étrangères maintenues. Ici l’enfant est réifié par le juge, en étant considéré comme un élément permettant la fraude de la mère.

La jurisprudence européenne est également peu prise en considération. La Cour européenne des droits de l’Homme a en effet plusieurs fois condamné la France du fait de l’enfermement des mineurs en centre de rétention administrative, même accompagnés, constituant un traitement inhumain et dégradant. Ces constats devraient s’étendre à la zone d’attente, les conditions d’enfermement y étant similaires (présence policière, barbelés, tentatives d’embarquement…).

L’effet anxiogène de l’enfermement en zone d’attente a des conséquences encore plus néfastes pour l’état de santé psychologique et physique d’enfants en bas-âge, pouvant se solder par une hospitalisation.

L’Anafé a pu constater à plusieurs reprises que les mineurs sont souvent agités du fait du stress de l’enfermement véhiculé par les parents, qu’ils sont capables de ressentir, mais également à cause de l’ennui.

Que ce soit dans la zone d’attente ou à la Cour d’appel, nous sommes en réalité bien loin de terrain de jeux.

L’Anafé ne cesse de réitérer depuis 2005 son positionnement contre l’enfermement de tous les mineurs, qu’ils soient isolés ou accompagnés.

Et bien que la fin de l’enfermement des mineurs soit également préconisée par plusieurs instances internationales et nationales de protection des droits de l’Homme, il continue d’être pratiqué en violation des droits fondamentaux et de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Le bébé, dont la situation est liée à celle de sa mère, ne pourra donc échapper à l’enfermement.

Emeline, Intervenante Anafé, 2019

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