Brève 2016 – Pas assez français ?
Jean (prénom d’emprunt) n’aurait pas pensé rencontrer de difficultés en revenant de vacances. Il a renouvelé sa carte d’identité française l’année passée et tous ses documents sont en règle. Pourtant, en arrivant à l’aéroport, il fait l’objet d’un contrôle par la police aux frontières. Là, stupéfaction ! La police lui explique qu’un jugement de 2011 aurait annulé le certificat de nationalité qui lui avait été délivré en 2002 : Jean ne serait donc pas français. Une sacrée surprise pour Jean, car il n’a jamais eu connaissance de ce jugement. L’administration française étant pour le moins facétieuse, Jean n’était pas au bout de ses peines, en matière de surprises.
En effet, la police aux frontières décide de lui refuser l’accès au territoire : selon les fonctionnaires zélés, Jean aurait dû obtenir un visa et présenter l’ensemble des documents exigés des étrangers qui désirent entrer sur le territoire français : assurance médicale, billet de retour, viatique (somme d’argent supposée couvrir le séjour), attestation d’hébergement. Peu importe que Jean vive en France depuis 2002, qu’il dispose d’une carte d’identité française, d’une carte d’électeur régulièrement tamponnée : il sera placé en zone d’attente en attendant son réacheminement, tout simplement.
Commencent alors trois longues journées pour Jean, rythmées par les tentatives d’embarquements journalières qui se déroulent comme suit. En début d’après-midi, les haut-parleurs de la ZAPI 3 grésillent son nom : il doit se présenter avec ses bagages au poste de police. De là, il est emmené en aérogare et les fonctionnaires tentent alors de le faire repartir. Il doit alors patienter, jusqu’à 23 heures pour être ensuite ramené en zone d’attente.
Léger détail, sans importance aux yeux des fonctionnaires de police : Jean est, notamment, diabétique. Il a besoin d’injections régulières d’insuline. Or, qui dit injection, dit piqûre. Qui dit piqûre, dit seringue. Une seringue ? Mais c’est un objet bien trop dangereux ! Il est impensable de laisser ainsi une personne âgée maintenue en zone d’attente « lourdement armée » d’une seringue d’insuline.
Aussi, les policiers décident-ils de confisquer l’insuline pendant que Jean attend en aérogare. Certes, ils finissent bien par lui permettre de s’injecter celle-ci, mais sous leur surveillance et aux horaires qui leur conviennent : foin donc de la ponctualité pourtant nécessaire à ce type de traitement. Autant dire que lorsque les bénévoles de l’Anafé rencontrent Jean, son état de santé est déjà dégradé. Celui-ci se déplace difficilement.
Il sera finalement libéré au bout de trois jours. Trois longs jours avant que l’administration ne se rende compte qu’empêcher Jean d’entrer sur le territoire français et le maintenir enfermé était non seulement problématique au regard de son état de santé, mais, surtout, posait un certain nombre de problèmes juridiques. En effet, en admettant même qu’un jugement constatant son extranéité ait effectivement été adopté à son encontre, Jean pouvait toujours se prévaloir de la « possession d’état ». Derrière cette expression absconse issue du Code civil se cache une idée simple : quiconque a été considéré, même à tort, comme étant de nationalité française par l’administration pendant plus de dix ans peut se prévaloir devant un tribunal de cette « possession d’état » afin de se voir remettre un certificat de nationalité française. Une simple déclaration au tribunal d’instance assortie des pièces justificatives est suffisante.
Ainsi, Jean n’aurait aucune difficulté à faire reconnaître sa nationalité française. Dès lors, son maintien en zone d’attente, qui n’a vocation qu’à « accueillir » des étrangers était illégal. Il aura fallu plus de 72 heures pour que l’administration reconnaisse son erreur et libère Jean.
Vincent, Intervenant Anafé, 2016
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