Brève 2015 – Errance syrienne en zone d’attente
20 décembre 2014
Huit ressortissants syriens arrivent à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle pour rejoindre leur famille et leurs amis réfugiés en Allemagne et en Suède, principaux pays européens d’accueil de Syriens. Ayant voyagé avec des faux passeports israéliens et ne voulant pas demander l’asile en France, l’entrée sur le territoire leur est refusée. Ils sont alors placés en zone d’attente et peuvent à tout moment être renvoyés vers leur ville de provenance, Santiago du Chili. N’étant pas plus admissibles au Chili qu’ils ne le sont en France, les maintenir en zone d’attente signifie donner le feu vert à un renvoi vers leur point de départ, probablement vers le Liban ou la Turquie. Ces pays, limitrophes de la Syrie, sont réputés pour leur « excellent » accueil des Syriens et Palestiniens de Syrie. Ils se retrouvent soit entassés dans des camps de réfugiés aux places limitées où la sécurité n’est pas assurée, soit en situation irrégulière, sans droit au séjour.
Après quatre jours passés en zone d’attente, les maintenus sont présentés devant le juge des libertés et de la détention. Ce dernier se prononce sur la prolongation ou non de leur maintien. Le juge sera amené à se prononcer de nouveau 8 jours plus tard si la première audience se solde par un maintien et s’ils ne sont pas renvoyés d’ici là.
Les Syriens ne sont pas libérés, à aucun de leurs passages devant le juge. Pourtant, ils ont assisté à la libération d’autres Syriens. En effet, le passage de Syriens devant le juge des libertés et de la détention s’avère particulier. En général, une personne voyageant avec de faux documents n’est pas admissible sur le territoire. Cependant, pour des raisons humanitaires, les juges ont tendance à libérer les Syriens sous deux conditions. Il est tout d’abord impératif que la personne puisse prouver sa nationalité syrienne. Ce n’est pourtant pas chose facile car beaucoup de Syriens voyagent avec des faux documents et abandonnent derrière eux leurs papiers d’identité. Ils doivent ensuite apporter la preuve de l’existence des membres de leur famille ou de leurs amis prêts à les prendre en charge dans l’Etat de destination. Certains juges sont plus exigeants que d’autres dans l’appréciation de ces conditions.
Tout espoir de libération judiciaire envolé, les Syriens n’ont plus que la patience pour seule alliée. Ils « espèrent » maintenant atteindre le délai maximal légal de maintien en zone d’attente, 20 jours, période durant laquelle ils subissent de nombreuses tentatives d’embarquement vers le Chili. A cela s’ajoute leurs refus répétés de donner leurs empreintes aux policiers. Ils ont peur que cela impacte sur leurs demandes d’asile futures en Allemagne et en Suède.
Le refus d’embarquer peut entraîner des conséquences très sérieuses. En effet, tout maintenu s’expose à des poursuites pénales ou à la mobilisation d’une escorte pour les forcer à embarquer, pieds et mains liés éventuellement. Les poursuites pénales peuvent mener, au mieux, à une garde-à-vue suivie d’une libération avec un rappel à la loi, au pire à une condamnation par le tribunal correctionnel à une peine de prison et une interdiction du territoire.
C’est au système pénal français que les Syriens ont affaire. Ils se retrouvent tous en garde à vue après leur dix-septième, dix-huitième et même dix-neuvième jour de maintien en zone d’attente.
8 janvier 2015
Le groupe d’amis entre sur le territoire français après 10 heures de garde à vue. Chacun reprend alors sa route tant bien que mal. Deux d’entre eux subissent une arrestation par la police Allemande en tentant de rejoindre l’Allemagne en train. Malgré tout, ils parviennent à déposer leur demande d’asile. De même pour deux de leurs amis qui atteignent la Suède et y déposent leur demande d’asile.
Destination atteinte ou non, les Syriens se souviendront sans doute toujours de leur arrivée aux frontières de l’Europe, aux prises avec un système arbitraire et complexe.
Aurélie, Intervenante Anafé, 2015
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