Brève 2014 – Quand faire valoir son droit au recours ne tient qu’à un fax…
Lorsqu’elles arrivent aux frontières françaises, les personnes qui demandent à entrer sur le territoire au titre de l’asile sont placées en zone d’attente [1] le temps que leur demande soit examinée. Si celle-ci est considérée comme « manifestement infondée » par le ministère de l’intérieur, les demandeurs d’asile peuvent contester ce refus auprès du Tribunal administratif compétent dans un délai strict de 48 heures à compter de la notification de la décision. La requête doit être rédigée en français et motivée en droit et en faits. Le tout sans interprète ni avocat gratuit. Si le juge administratif annule la décision négative du ministère de l’intérieur le demandeur d’asile est autorisé à entrer sur le territoire pour déposer sa demande en préfecture. Dans le cas contraire, le juge administratif conclut au rejet de la requête et la personne n’est plus considérée comme demandeuse d’asile, mais comme non admise sur le territoire français. Elle est à nouveau transférée en zone d’attente, d’où elle pourra être réacheminée à tout moment vers son dernier pays de transit.
Mahmud est iranien, il a fui son pays d’origine fin juin du fait des persécutions qu’il encourrait suite à sa conversion au christianisme. Après un bref passage par la Turquie, il atterri à Bamako (Mali), d’où il prend un avion pour la France. A son arrivée à l’aéroport d’Orly, il demande immédiatement à entrer sur le territoire au titre de l’asile, mais cette demande – considérée « manifestement infondée » – est rejetée par le ministère de l’intérieur. Les bénévoles de l’Anafé propose à Mahmud, joint par téléphone, de l’aider à rédiger un recours contre cette décision. Cette requête doit cependant être accompagnée de nombreux documents, inaccessibles pour la permanence de l’Anafé non présente physiquement en zone d’attente d’Orly. Mahmud est invité à envoyer par fax, avant expiration du délai de recours, les documents nécessaires, à savoir les notes d’entretien avec l’officier de protection de l’OFPRA2, la décision du ministère de l’intérieur et la notification de rejet de la demande. A l’aéroport d’Orly pour transmettre des documents à l’extérieur, les maintenus devaient solliciter les agents de la police aux frontières (PAF) afin d’utiliser le fax situé dans leur bureau. Ce jour-là, malgré les appels insistants à Mahmud, ces documents n’étaient toujours pas parvenus au siège de la permanence le soir.
Le lendemain, un ami de Mahmud a finalement transféré les seules notes d’entretien OFPRA. Les bénévoles n’avaient donc accès ni à la décision du ministère à contester, ni à la notification de rejet, pourtant indispensable pour connaître le délai restant pour rédiger le recours. Aucun fax n’a été reçu alors que Mahmud soutenait avoir transmis tous les documents qu’il avait en sa possession. Lorsque la PAF a été contactée, les officiers de police ont rétorqué que Mahmud avait sans doute perdu les documents manquants. Face à l’urgence de la situation – le délai expirant quelques minutes plus tard selon les déclarations de Mahmud – un recours sommaire a été transmis au Tribunal administratif. Le lendemain ce recours a été rejeté et Mahmud renvoyé vers Bamako, où il ne dispose d’aucune connaissance.
Outre la remise en cause du caractère effectif du recours contre une décision de refus d’entrée au titre de l’asile (du fait du délai restreint et de l’impossibilité pour un étranger de rédiger seul le recours), cette situation interroge les pratiques de la PAF et le rôle de l’Anafé en zone d’attente. N’ayant pas les moyens ni l’ambition d’être présente dans toutes les zones d’attente, l’Anafé n’a pu ici que constater certaines irrégularités, sans pouvoir y remédier.
Pourquoi Mahmud n’a-t-il pas pu faxer la décision du ministère ? La procédure avait-elle été régulière, s’était-il vu notifier cette décision ? A-t-il été empêché d’accéder au fax ? Autant de questions sans réponse et qui ont pourtant eu des conséquences irréversibles sur le (non) respect des droits de Mahmud.
Mikele, Intervenante Anafé, 2014
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1 Lorsqu’ils ne sont pas autorisés à entrer sur le territoire français, les étrangers qui se présentent aux frontières peuvent être maintenus dans une zone d’attente pendant une durée maximum de vingt jours, le temps pour la police aux frontières d’organiser leur renvoi.
2 Office français de protection des réfugiés et des apatrides, qui mène un entretien avec les demandeurs d’asile à la frontière puis émet un avis sur le caractère « manifestement infondé » de la demande. Pour les demandeurs d’asile maintenus à l’aéroport d’Orly, cet entretien se fait par téléphone.
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