Brève 2014 – Paris, capitale mondiale du tourisme
Pas pour tout le monde
Irma est chilienne. En août 2014, elle décide de faire un voyage en Europe accompagnée de son fils âgé de 12 ans : direction Paris, où elle a des amis. Un voyage longuement préparé et attendu… mais rapidement interrompu par le zèle de la Police aux frontières (PAF) de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle. A leur arrivée à Paris, Irma et son fils sont soumis à un contrôle frontalier, au terme duquel les agents estiment qu’ils ne remplissent pas les conditions nécessaires pour entrer et séjourner dans l’espace Schengen. Le Chili fait pourtant partie des pays dont les ressortissants n’ont pas besoin de visa pour entrer dans l’espace Schengen1. Mais cette disposition n’annule pas les autres conditions d’entrée dans l’espace Schengen. A l’arrivée, il faut en effet justifier d’un hébergement pour toute la durée du séjour (par une réservation d’hôtel payée ou une attestation d’hébergement), de ressources financières suffisantes (65 euros par jour en plus de la réservation d’hôtel ou 34 euros par jour en plus d’une attestation d’hébergement), d’une attestation médicale et d’un billet de retour. Or, Irma n’a pas effectué de réservation d’hôtel. Il lui manquait également une attestation médicale, que sa cousine lui envoie rapidement. Irma et son fils se voient donc notifier un refus d’entrée sur le territoire et, après une attente de 4 heures sur les bancs du poste de police de l’aérogare, sont placés dans la zone d’attente de l’aéroport, lieu d’enfermement.
Une de ses amies, qui réside en France, propose de rédiger une attestation d’hébergement à la mairie de son domicile. Mais malheureusement, le maire lui oppose un refus catégorique au motif que son logement serait trop petit. La taille de nos habitations peut donc déterminer notre droit à accueillir nos amis, si ces derniers n’ont pas la nationalité française !
Après quatre jours en zone d’attente, Irma est présentée devant le Juge des libertés et de la détention (JLD)2. L’attestation d’hébergement manuscrite que présente l’amie d’Irma ne le convainc pas. Ce dernier statue en faveur de la PAF qui est donc autorisée à maintenir Irma et son fils en zone d’attente le temps d’organiser leur renvoi. Tous deux seront refoulés vers Atlanta le 13 août, sans avoir visité autre chose de la France que la zone d’attente… Pourquoi Atlanta et pas le Chili ? Parce que depuis la frontière, les renvois se font vers le dernier pays par lequel les personnes ont transité.
La situation d’Irma n’est pas isolée. Chaque année, ce sont des milliers de personnes qui sont ainsi enfermées dans les 67 zones d’attente qui jalonnent nos frontières externes. Le motif de leur privation de liberté ? Ne pas remplir les critères (stricts !) pour un séjour dans l’espace Schengen. N’entre pas dans l’espace Schengen qui veut. Même sans avoir légalement besoin d’un visa, il faut montrer patte blanche – sans quoi la PAF peut estimer que l’on constitue un « risque migratoire » qui justifie un renvoi forcé.
A charge pour Madame de retourner d’Atlanta au Chili, puis de « retenter sa chance » si elle le peut… Et si toutefois l’accueil qu’elle a reçu ne l’a pas dissuadée de visiter la France !
Agathe, Intervenante Anafé, 2014
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1 En 2014, les ressortissants de tous les pays doivent obtenir un visa, à l’exception des États-membres de l’Union Européenne et de : Andorre, Argentine, Australie, Brésil, Brunei, Bulgarie, Canada, Chili, Corée du Sud, Costa Rica, Croatie, États-Unis, Guatemala, Honduras, Hong-Kong, Islande, Israël, Japon, Liechtenstein, Macao, Malaisie, Mexique, Monaco, Nicaragua, Nouvelle-Zélande, Panama, Paraguay, Roumanie, Saint-Marin, Singapour, Suisse, Uruguay, Venezuela, Vatican.
2 Pendant les quatre premiers jours de leur maintien en zone d’attente et tout au long de la procédure, les étrangers peuvent être renvoyés à tout moment par la PAF. Au terme de ces quatre jours, la PAF demande au JLD la permission de les maintenir en zone d’attente pour une durée supplémentaire de 8 jours. Passés ces 8 jours, la PAF peut faire une nouvelle demande de prolongation de maintien. En tout, les étrangers peuvent rester en zone d’attente pour une période maximale de 20 jours.
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