Brève 2013 – Le sort aléatoire des étrangers devant le JLD
Au Tribunal de grande instance de Bobigny, le juge des libertés et de la détention (JLD), en charge du sort réservé aux étrangers maintenus en zone d’attente, semble ne pas toujours être le gardien des libertés individuelles. La situation de Jalal est révélatrice de ce constat.
En effet, Jalal, né en 1978, de nationalité syrienne, vivait dans une petite ville près de la frontière turque où il travaillait dans la ferme familiale. Jalal a été contraint de quitter son pays d’origine afin de protéger sa vie, mise en danger du fait de la persistance du conflit syrien. En effet, sa ville d’origine était quotidiennement bombardée et la majorité de la population a été obligée de fuir. Dans ce contexte, il a décidé de quitter à son tour sa ville natale, dans l’espoir de retrouver son frère résidant en Allemagne, afin d’y déposer lui aussi une demande d’asile.
Le 22 mai 2013, il se présente aux services de la police aux frontières de l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle en arguant de sa qualité de ressortissant syrien. Évidemment, Jalal ne dispose pas des documents de voyage nécessaires à son entrée régulière sur le territoire français car il a été contraint de quitter la Syrie dans l’urgence par le biais de réseaux de passeurs qui l’ont obligé à se débarrasser de ses documents de voyage.
Afin de le maintenir en zone d’attente, l’administration lui a reproché premièrement, l’absence de demande d’asile formulée auprès des autorités françaises, conformément au règlement Dublin qui prévoit que le premier pays d’entrée dans l’espace Schengen est responsable de l’examen des demandes d’asile. Deuxièmement, l’administration lui a reproché l’absence de documents originaux en sa possession pour prouver sa nationalité et sa ville de provenance. C’est sur ce dernier point que le JLD surprend par ses contradictions.
En effet, Jalal est présenté devant le juge judiciaire qui doit se prononcer sur son maintien en zone d’attente, le 26 mai suivant. Il est privé de liberté depuis quatre jours et le JLD est chargé de contrôler le bien-fondé de cette privation de liberté au regard du respect des droits des personnes maintenues et de leur situation personnelle. Pourtant, malgré le contexte syrien, le JLD décide de prolonger le maintien en zone d’attente de Jalal, rejoignant l’argumentaire de l’administration relative à l’absence de certitude quant à son identité, à défaut d’avoir présenté des documents originaux. Or, Jalal a remis aux agents de la police aux frontières les copies de son passeport délivré à Damas, de sa carte d’identité et de son permis de conduire. Pourtant, l’ensemble de ces documents ont été considérés comme insuffisants par le premier JLD saisi.
Le 3 juin 2013, il est présenté à nouveau devant le JLD qui doit décider du prolongement – ou non – de sa privation de liberté. Jalal argue à nouveau de sa qualité de ressortissant syrien et rappelle au JLD qu’il a remis les copies de son passeport, de sa carte d’identité et de son permis de conduire aux agents de la police aux frontières. Effarée par ces précisions, Madame le juge des libertés et de la détention demande à Jalal de lui confirmer qu’il a bien montré ces documents au JLD précédemment saisi.
Jugeant cette fois-ci que la présentation de leur copie est suffisante pour justifier de son identité, Jalal est libéré, après avoir été injustement privé de liberté pendant douze jours. Cela aurait pu être évité si le JLD compétent lors de la première audience avait été plus enclin à prendre en considération les copies des documents justifiant de son identité.
Cette différence de traitement d’un juge à l’autre peut avoir un impact considérable sur la sécurité juridique des personnes et des conséquences irréparables en cas de renvoi forcé vers un pays en état de guerre civile. Dans le cas présent, cette différence de traitement a eu pour effet direct de priver de liberté un étranger qui a, au péril de sa vie, tout quitté pour tenter de retrouver une vie meilleure.
Najoua, Intervenante Anafé, 2013
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