Brève 2012 – Vous avez dit France, terre d’asile ?
Monsieur I., 22 ans, a quitté son pays d’origine le 20 avril 2012 pour venir demander l’asile en France. Arrivé par avion à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle le 20 mars, il est immédiatement arrêté par la police aux frontières française et maintenu en zone d’attente, le temps pour le ministère de l’intérieur d’examiner si sa demande de protection n’est pas « manifestement infondée ».
Il raconte en détail aux intervenants de l’Anafé présents en zone d’attente le climat de peur dans lequel il a vécu pendant plusieurs mois avant de quitter son pays, le harcèlement d’un groupe armé pendant des semaines, l’assassinat d’un de ses amis, les journées entières passées à se cacher, les menaces répétées…
Monsieur I. s’est entretenu avec un agent de protection de l’OFPRA. Son récit est très détaillé : malgré le traumatisme subi, il donne des dates, des lieux, des noms.
Malgré tout, Monsieur I. – comme tant d’autres – ne se verra jamais accorder « l’asile en zone d’attente ».
Malgré les apparences, cette zone n’est pas considérée comme portion du territoire français et la procédure d’asile qui y est instaurée diffère, en droit, de celle en vigueur sur le territoire. La procédure d’asile à la frontière est donc dérogatoire : elle doit seulement permettre un examen superficiel de la demande pour déterminer si elle n’est pas manifestement infondée. Aucun examen approfondi n’est supposé être pratiqué en zone d’attente. La procédure ne peut aboutir à accorder un statut de réfugié, mais seulement à autoriser l’entrée sur le territoire français pour y déposer une demande d’asile.
Pourtant, en dépit de ce cadre juridique particulier, les demandeurs d’asile qui se présentent à nos frontières doivent fournir de plus en plus de détails et de « preuves » sur les menaces alléguées. Mission quasi impossible pour un étranger enfermé en zone d’attente.
Monsieur I. en a d’ailleurs fait les frais : sa demande a été considérée par le ministère de l’intérieur comme « manifestement infondée » alors qu’il avait fourni un récit précis et détaillé. Ce qui permet de s’interroger sur ce qu’il faut avoir vécu pour qu’une demande de protection à la frontière soit aujourd’hui admise comme recevable… Et en quoi les conditions de preuve imposées à la frontière diffèrent aujourd’hui de celles exigées sur le territoire, si ce n’est leur examen en un temps record [1]…
La France ne se targue-t-elle pas d’être une terre d’asile ?
Encore faudrait-il pour cela qu’elle permette aux exilés d’accéder à son territoire…
Aurore, Intervenante Anafé, 2012
[1] Selon les chiffres de l’OFPRA en 2011, 80% des demandes d’asile présentées à la frontière étaient traitées en moins de 48 heures.
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