Analyse de la loi « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie »
Adoptée le 1er août, la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie » s’inscrit dans un cycle de plusieurs décennies de politiques migratoires françaises et européennes de contrôle des arrivées et d’éloignement des étrangers. Cette politique du non-accueil s’est affirmée, entre autres, par une volonté d’externalisation des contrôles frontaliers en dehors du territoire national et européen. Les barrières posées dès le départ pour les personnes souhaitant arriver en Europe ne cessent de se multiplier et constituent autant d’obstacles qui visent à contrôler les arrivées de personnes étrangères en France et en Europe.
La réforme de 2018 est une nouvelle expression de cette politique du non-accueil : une fois arrivés à la frontière, le périple des exilés n’est pas terminé. L’essentiel du contenu de cette loi traduit la volonté de contrôler le statut des personnes étrangères – demandeurs d’asile, réfugiés, migrants dits réguliers ou irréguliers – tant en poursuivant le phénomène de catégorisation des personnes qu’en accentuant la difficulté d’obtenir un statut stable et protecteur.
Le régime applicable aux frontières françaises, et particulièrement aux zones d’attente, n’est que très peu abordé. Néanmoins, les dispositions adoptées tendent dans la même direction : l’éloignement le plus rapide possible des étrangers privés de liberté. Les dispositions qui ont trait à l’accès au juge en zone d’attente constituent un danger pour les personnes étrangères enfermées aux frontières en ce qu’elles constituent un réel recul en matière d’accès aux juridictions judiciaires et administratives et de respect du droit à un procès équitable (déjà peu garanti par les textes et les pratiques). Elles viennent renforcer la mise en place d’une justice d’exception pour les étrangers, comme s’ils n’étaient pas des justiciables comme les autres. Ainsi, réforme après réforme, non seulement la loi laisse une place rétrécie aux droits mais elle écarte chaque fois un peu plus les étrangers des juges et des juridictions.
Alors même que les règles de droit doivent apporter une sécurité juridique à toute personne confrontée aux dispositifs mis en place par l’État, la zone d’attente est marquée par un déséquilibre important des forces, creusé un peu plus par l’actuelle réforme. L’Anafé ne cesse, depuis des années, de démontrer qu’on ne peut pas priver de liberté et enfermer dans le respect de la dignité des personnes et de leurs droits. Constat confirmé par les conclusions de toutes les enquêtes et observations de terrain : quelle que soit la forme qu’elle prend, la privation de liberté entraîne la violation des droits humains et s’inscrit dans une politique de criminalisation des étrangers.
La loi « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie » ne fait pas exception. Malgré les violations des droits trop régulièrement constatées et dénoncées par les associations et les instances de protection des droits, la nouvelle réforme ne répond pas aux enjeux migratoires actuels, et ne prévoit aucune modification positive du droit concernant l’entrée sur le territoire et le maintien en zone d’attente (ZA).
Au prétexte de vouloir lutter contre un ennemi imaginaire, la réforme accentue le caractère hostile des frontières : le contrôle répressif des migrations l’emporte, une fois de plus, sur l’accueil et la protection des étrangers, en particulier des personnes plus vulnérables.
Enfin, en refusant de revenir sur ce qui avait été instauré et négligé par les réformes précédentes, c’est donc volontairement que le législateur a écarté ici toute possibilité d’amélioration et de garantie des droits.
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