Brève 2010 – Orly « by night »
La loi actuellement en vigueur prévoit que la zone d’attente peut inclure un lieu d’hébergement. C’est le cas à l’aéroport d’Orly. En effet, les étrangers qui sont placés en zone d’attente sont maintenus toute la journée, dès 7 heures du matin, dans une salle du poste de police de l’aérogare et sont amenés le soir vers 21 heures à l’hôtel Ibis.
L’Anafé n’est pas présente sur place, faute de convention à l’instar de ce qui est mis en place à Roissy. La seule possibilité d’une présence physique se fait donc grâce à des membres de l’association titulaires d’une « carte de visiteur » permettant un accès à tout moment à l’ensemble des zones d’attente.
Carte en main, nous nous sommes rendus à l’hôtel Ibis, le vendredi 30 juillet 2010. Il est 21 heures 30 lorsque nous arrivons à l’étage où sont maintenus les étrangers et nous nous présentons aux deux agents de la PAF (police de l’air et des frontières) postés dans le couloir. Ces visites à l’hôtel, le soir, sont très rares ; la dernière date de janvier 2009. Les agents de la PAF sont donc très surpris et il faudra plusieurs échanges téléphoniques avec leur hiérarchie afin de vérifier que notre carte nous autorise bien à « visiter » la « zone hébergement ». Finalement, notre attente ne sera que de dix minutes (que nous avons passées à parler de l’Anafé, les agents de la PAF ayant plusieurs questions, notamment sur notre fonctionnement).
Nous sommes autorisés à entrer dans les chambres et à discuter avec les maintenus sans limitation de temps.
Avant de commencer les entretiens et de recueillir les témoignages directement auprès des maintenus sur leurs conditions d’hébergement et maintien en zone d’attente, nous questionnons la PAF afin d’obtenir des informations plus générales.
Nous apprenons ainsi que dans le couloir, 12 chambres peuvent être utilisées pour l’hébergement des maintenus. Si elles ne sont pas réquisitionnées par la PAF, elles peuvent être utilisées pour les clients de l’hôtel.
A l’hôtel Ibis, aucune des chambres n’est équipée de climatisation. Or, contrairement aux autres chambres de l’hôtel, les fenêtres de celles qui sont réquisitionnées sont condamnées. Il fait très chaud dans les chambres, et d’après les agents en poste cela était bien pire lors des pics de chaleur du début du mois de juillet.
Les maintenus sont seuls dans les chambres, sauf dans les cas où il y a plus de 12 maintenus à la fois.
Les chambres sont équipées d’un système d’ouverture par carte magnétique. Ces cartes sont gardées par la PAF et un cintre est placé à la poignée, coincé dans l’ouverture de la porte afin que celle-ci reste toujours entrouverte. Les maintenus ne peuvent pas sortir des chambres.
La surveillance est effectuée par deux agents de la PAF, relevés toutes les heures.
Nous nous entretenons ensuite tour à tour avec les quatre maintenus, plus ou moins vingt minutes avec chacun. Tous nous disent que les « choses se passent bien ». Trois d’entre eux connaissent l’Anafé puisqu’ils ont été en contact plus tôt dans la journée avec la permanence téléphonique assurée par notre association. Ils sont tous les trois demandeurs d’asile et nous apprenons que tous ont rencontré des difficultés lors de leur entretien avec un officier de protection de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides), en charge à la frontière des entretiens tendant à déterminer le caractère « manifestement infondé » des demandes d’admission sur le territoire au titre de l’asile. En effet, cet entretien s’est fait par téléphone (cabine téléphonique accrochée au mur) dans une salle du poste de police, espace ouvert (aucune porte de séparation, seul un petit couloir sépare la salle du hall du poste de police), emportant ainsi une violation manifeste du principe de confidentialité.
Le quatrième homme maintenu nous explique qu’à son arrivée, le jour même en début d’après-midi, il a demandé à téléphoner mais aucune carte téléphonique ne lui a été donnée. Nous lui indiquons alors que pouvoir communiquer avec toute personne de son choix est un droit et qu’il peut exiger une carte téléphonique afin de pouvoir exercer les droits qui lui sont garantis.
Notre visite s’étant achevée à 23 heures 35, nous avons pu échanger avec trois équipes de garde, plutôt ouvertes au dialogue tant pour connaître l’Anafé que pour parler de la zone d’attente en générale.
Effectuer une visite à l’hôtel Ibis a vraiment quelque chose de particulier et presque dérangeant. Deux mondes se côtoient, les touristes et les étrangers enfermés, sans se voir. Les maintenus nous reçoivent dans leur chambre et on ne peut s’empêcher d’avoir l’impression de pénétrer dans le peu d’intimité qu’ils ont.
Laure et Christophe, Visiteurs en zone d’attente, 2010
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