La France fait la sourde oreille aux injonctions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme

Publié le 23 Mar 2011

Modifié le 30 Oct 2024



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Les ressortissants ivoiriens se présentant aux frontières françaises pour y demander une protection continuent d’être refoulés vers le pays par lequel ils ont transité, alors que la Côte d’Ivoire reste le théâtre de violents affrontements depuis les élections du 28 novembre 2010.

Au moins quatre demandeurs d’asile ivoiriens ont ainsi été refoulés vers leur pays de transit, le Maroc, depuis le début de l’année 2011. Dans ce pays, ils se trouvent dans une situation d’absolue vulnérabilité – sans droit au séjour ni véritable protection. De plus, les autorités peuvent à tout moment procéder à leur renvoi vers la Côte d’Ivoire.

Pourtant, le HCR a recommandé le 21 janvier 2011 de suspendre tous les renvois de ressortissants ivoiriens vers leur pays, et l’Anafé a demandé aux autorités françaises de se conformer à cette recommandation dans un communiqué du 1er février intitulé « Réflexe d’inhumanité : la France renvoie des Ivoiriens vers leurs tortionnaires ».

Le 18 mars 2011, l’Anafé a saisi en urgence la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) de la situation de M. Y, de nationalité ivoirienne, arrivé à l’aéroport de Marseille le 7 mars pour y demander une protection à la France.

Au regard du danger imminent, la CEDH avait enjoint aux autorités françaises de suspendre son renvoi forcé vers Casablanca. Le soulagement n’aura été que de courte durée : en dépit de cette décision, la Police aux Frontières a tout de même tenté de refouler M. Y dans les heures suivantes, prétendant n’avoir jamais été informée par le Ministère de l’Intérieur de la mesure de suspension.

Au mépris des principes du droit international, le Ministère aura donc ignoré pendant trois heures une injonction de la CEDH. Celle-ci note par ailleurs une recrudescence alarmante des requêtes de mesures provisoires au titre de l’article 39 de son Règlement, seule possibilité de suspendre en urgence un renvoi forcé et dangereux[1]. Finalement le Ministère a décidé de libérer M.Y et de l’admettre sur le territoire français, faute de pouvoir le renvoyer dans son pays de provenance ou d’origine.

Ce grave incident éclaire non seulement sur le manque préoccupant de communication au sein de l’administration, mais également sur la détermination des autorités françaises à appliquer coûte que coûte une politique migratoire ferme et incohérente, au risque d’être parfois cruelle et inhumaine.

[1] Déclaration du Président de la Cour européenne des droits de l’homme concernant les demandes de mesures provisoires (Article 39 du règlement de la Cour)

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