« Délit de solidarité ». Jugement du procès de Martine Landry attendu le 13 juillet 2018 à Nice

Alerte presse Amnesty International France – Anafé

Un rassemblement militant en soutien à Martine Landry est prévu le vendredi 13 juillet 2018 à partir de 12h45 devant le tribunal correctionnel de Nice. Des porte-paroles seront sur place et disponibles pour des interviews. Pour toute demande, merci de contacter le service presse.

Suite à l’audience, le 30 mai dernier, du procès de Martine Landry, militante d’Amnesty International et de l’Anafé, poursuivie pour « délit de solidarité », le tribunal correctionnel de Nice a mis son jugement en délibéré. La décision sera rendue ce vendredi 13 juillet 2018. Le parquet a requis la relaxe.

Amnesty International France (AIF) et l’Anafé (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers) réitèrent leur soutien à leur militante.

Ce jugement interviendra une semaine après que le Conseil constitutionnel a consacré vendredi 6 juillet, la valeur constitutionnelle du principe de fraternité en affirmant que chacun est libre d’aider autrui indépendamment de la régularité de son séjour sur le territoire. Une bonne nouvelle qui doit être suivie dans les faits. Nos associations resteront vigilantes quant à sa traduction dans la loi. Nos associations demandent en outre, la mise en conformité de la loi française avec le droit international notamment en ce qui concerne la question du délit de solidarité appliqué aux frontières et à l’entrée sur le territoire.

Jean-François Dubost, Responsable du programme Protection des populations d’AIF, déclare :

« Le gouvernement français ne doit pas rater une opportunité historique de mieux protéger les défenseurs des droits humains en France. Le Conseil constitutionnel s’est prononcé récemment sur le nécessaire respect du principe de fraternité autour de la question du « délit de solidarité ». Lors de l’examen du projet de loi ‘Asile et Immigration’, les députés ont proposé de modifier le « délit de solidarité », ce qu’a rejeté le Sénat. Mais le débat reste pleinement ouvert après l’échec de la Commission mixte paritaire.

Toutes les conditions sont réunies pour franchir une ultime étape et mettre la loi française en conformité parfaite avec le droit international en supprimant purement et simplement toute possibilité de poursuivre des militants pour « délit de solidarité ». Seuls devraient être poursuivis les actes donnant lieu à « un avantage financier ou un autre avantage matériel ». Cette exigence est celle prévue par le Protocole de Palerme, ratifié en 2002 par la France.  »

Laure Palun, Coordinatrice associative de l’Anafé, ajoute :

« Le jugement de Martine Landry est très attendu à l’heure où des citoyens et des organisations font l’objet de pressions de plus en plus importantes en raison de leurs actions de défense de droits des personnes exilées ou d’aide humanitaire.

Les discours politiques, en France et en Europe, participent de la criminalisation des associations et des personnes dont le seul souci est la protection de la vie et le respect des droits humains. La décision des Sages contredit une nouvelle fois ces discours qui font le jeu de politiques migratoires meurtrières et permet dans une certaine mesure à la société civile de faire preuve de solidarité et de fraternité sans crainte. Néanmoins, nous regrettons que le Conseil ait écarté l’aide à l’entrée des cas d’immunités. La fraternité ne s’arrête pourtant pas aux frontières et nous le constatons chaque jour.

Concernant Martine Landry, il est à espérer que le tribunal correctionnel ira dans le sens des réquisitions du parquet, et prononcera la relaxe de notre militante.  »

Dans l’attente de ce jugement, les deux organisations demandent aux autorités de mettre un terme à toutes les poursuites judiciaires relevant de cette situation. AIF et l’Anafé seront présentes aux côtés de Martine Landry le 13 juillet à Nice.

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Martine Landry est membre d’Amnesty International depuis 2002. Elle est la référente régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur sur la question des réfugiés et migrants depuis 2011 et est chargée d’une mission d’observation en zone d’attente pour AIF. En parallèle, elle conseille les demandeurs d’asile et les accompagne dans l’accès à leurs droits, missions pour lesquelles elle a bénéficié de plusieurs formations. Retour ligne automatique
Martine Landry travaille avec l’Anafé depuis 2011 et en est membre depuis 2017. Dans ce cadre, elle participe activement à la mission d’observation à la frontière franco-italienne.

Il lui est reproché d’avoir « facilité l’entrée de deux mineurs étrangers en situation irrégulière ». Elle risque jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.

Résumé des faits
Le 28 juillet 2017, la police italienne a renvoyé, à pied, deux mineurs isolés étrangers vers la France.

Martine Landry les a « récupérés » du côté français de la frontière Menton/Vintimille, au panneau « France » plus exactement, pour les accompagner à la police aux frontières (PAF), munie des documents attestant de leur demande de prise en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE). Les deux mineurs, tous deux âgés de 15 ans et d’origine guinéenne, ont par la suite été pris en charge par l’ASE.

Le 31 juillet, Martine Landry s’est rendue à la PAF de Menton suite à l’interpellation et au transfert de onze migrants. Ce jour-là, elle se voit remettre une convocation pour une audition le 2 août. Le lendemain, Martine Landry reçoit une convocation du tribunal correctionnel de Nice. Elle devait être jugée le 8 janvier pour « avoir facilité l’entrée de deux mineurs étrangers en situation irrégulière […], en ayant pris en charge et convoyé pédestrement ces deux mineurs du poste frontière côté Italie au poste frontière côté France ». Son audience a été renvoyée à trois reprises : le 14 février, le 11 avril et enfin, le 30 mai 2018. Le parquet a alors requis la relaxe de la militante. Le tribunal correctionnel de Nice a mis son jugement en délibéré jusqu’au 13 juillet 2018.

Droit international applicable
Le 29 octobre 2002, la France a ratifié le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, mer et air, additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée. Ce texte définit le trafic illicite de migrants comme « le fait d’assurer, afin d’en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel, l’entrée illégale dans un État […] d’une personne qui n’est ni un ressortissant ni un résident permanent de cet État ». En posant la condition d’en retirer un avantage financier ou un autre avantage matériel, les auteurs de ce texte ont clairement voulu exclure les activités des personnes apportant une aide aux migrants pour des motifs humanitaires ou en raison de liens familiaux étroits. L’intention n’était pas, dans le Protocole, d’incriminer les activités de membres des familles ou de groupes de soutien tels que les organisations religieuses ou non gouvernementales. Cette intention est confirmée par les travaux préparatoires des négociations en vue de l’élaboration de la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée et des protocoles s’y rapportant (2008), p. 514 – (Office des Nations unies contre la drogue et le crime, Travaux préparatoires).

« Le délit de solidarité » fait débat
Lors de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi, la question du « délit de solidarité » a été débattue alors qu’il n’y avait rien dans le projet initial du gouvernement. La mobilisation de la société civile a permis une prise de conscience des députés sur les situations auxquelles sont confrontées les personnes solidaires des migrants qui sont poursuivies. Pourtant, la rédaction de l’amendement du gouvernement adopté par l’Assemblée n’apporte pas de modification suffisante par rapport à la situation actuelle. La liste des immunités et les conditions requises pour ne pas être poursuivi feront toujours courir un risque aux militants, citoyens et organisations qui agissent pour le respect des droits humains. Enfin, ces exceptions ne concernent que le séjour et la circulation et non l’entrée sur le territoire. Si le texte est définitivement adopté en l’état, les es personnes telles que Martine qui viennent en aide aux migrants à la frontière, ne seront pas protégées contre d’éventuelles poursuites.

Le Conseil constitutionnel, qui s’est prononcé en faveur de la valeur constitutionnelle du principe de fraternité en légitimant « la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national », se contente d’aller dans le sens des propositions du gouvernement en ce qui concerne les immunités applicables au séjour et à la circulation tant que celles-ci se font sur le territoire national mais en écarte malheureusement celles liées à l’entrée sur le territoire. Nos associations seront attentives à la traduction dans la loi de cette décision et militerons pour une protection sans réserves et sans conditions des personnes qui, sans rechercher d’avantage financier ni matériel, apportent une aide à des personnes en situation d’exil.


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