Demandeurs d’asile à la frontière : les oubliés de la réforme

Publié le 23 Juil 2014

Modifié le 30 Oct 2024



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Le Ministre de l’intérieur, dont le projet de réforme de l’asile a été présenté aujourd’hui en conseil des ministres, affirme vouloir « redonner son sens à l’asile à la frontière » : un discours prometteur sur la mise à égalité de tous les demandeurs d’asile et sur la garantie du droit au recours suspensif. En réalité, cette réforme maintient le cap d’une éviction toujours plus efficace des demandeurs d’asile, y compris les plus vulnérables, qui se trouvent privés de liberté aux frontières de notre territoire.

L’Anafé appelle les parlementaires et la société civile à la plus grande vigilance face aux effets d’annonce, et réaffirme l’urgence à garantir effectivement les droits des personnes maintenues en zone d’attente.

Les rares dispositions du projet relatives à l’asile à la frontière, présentées comme positives, ne peuvent satisfaire l’Anafé.

Le projet annonce que les mineurs isolés demandeurs d’asile ne seront plus maintenus en zone d’attente.

Cette mesure est cependant diminuée par des exceptions largement définies qui en pratique permettront toujours de bloquer aux frontières françaises de nombreux mineurs isolés demandeurs d’asile [1].

L’Anafé demande depuis trop longtemps la fin des privations de liberté à la frontière pour tous les mineurs isolés, demandeurs d’asile ou non.

En définissant formellement le caractère « manifestement infondé » d’une demande d’asile à la frontière, critère de tri au cœur de la procédure, le projet de réforme se contente de consacrer la pratique existante et risque de permettre au ministère de l’intérieur de continuer à se mêler du fond de la demande d’asile, alors que ce n’est pas son rôle.

Le projet de loi crée également de nouvelles possibilités de placement en zone d’attente de demandeurs d’asile à la frontière et de rejet de leur demande (demandes « irrecevables », application du règlement « Dublin »).

Le dédale de l’asile à la frontière [2], encore dénoncé par l’Anafé en 2014, reste surtout globalement inchangé :

- Les conditions d’audition par l’OFPRA restent inégales selon les zones d’attente et ne garantissent pas toujours la confidentialité des échanges.

- Aucune modification des modalités de recours contre les refus d’entrée au titre de l’asile (délais quasiment intenables, conditions matérielles précaires) n’est envisagée. Le droit au recours certes suspensif reste donc ineffectif en pratique.

- Il n’est toujours pas prévu de mettre à la disposition des personnes maintenues en zone d’attente une permanence d’avocats et des interprètes gratuits leur permettant de faire valoir leurs droits.

- Les conditions de filtrage des recours, défavorables aux demandeurs, et de jugement au tribunal administratif restent identiques.

Privés de liberté loin des regards de la société civile, les demandeurs d’asile resteront en pratique soumis au bon vouloir de l’administration et de la police aux frontières qui les surveille.

Avec cette réforme, le Ministre de l’intérieur, en tentant d’adapter le droit français aux normes européennes, ne met pas la France à l’abri de nouvelles condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme [3] en matière d’asile à la frontière.

Voir le projet de loi.

[1Pays d’origine sûrs, demande irrecevable, faux documents d’identité ou de voyage …

[3Cour EDH, 26 avril 2007, Gebremedhin contre France, req. N°25389/05.

  • CP Anafé - DA à la frontière - les oubliés de la réforme - 23072014
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